Équatoria
Scénario : Juan Díaz Canales
dessin : Rubén Pellejero
d’après l’oeuvre de : Hugo Pratt
éditions : Casterman
sortie : 27 septembre 2017
genre : aventure
Équatoria, une province de l’Empire ottoman qui dépend alors de l’Égypte, elle-même placée sous tutelle britannique, se voit visitée par Corto Maltese, lancé à la poursuite d’un curieux trésor.
Après Sous le soleil de minuit, Juan Díaz Canales et Rubén Pellejero reviennent aux aventures de Corto Maltese avec Équatoria, leur seconde reprise de la saga initiée par Hugo Pratt. Le précédent album avait été bien accueilli, les rares et faibles reproches à son encontre portant sur la prudence avec laquelle ils réinvestissaient un univers laissé vaquant durant près de vingt ans.
Cela se retrouvait jusque dans la couverture de la version couleur, qui présentait l’emblématique marin en plan resserré et en contrejour. Ici, changement de tactique. Corto y est dessiné de plein pied et baigne dans la lumière, comme si les auteurs avaient décidé d’appuyer, peut-être de manière inconsciente, leur affirmation sur la série. Ce qui pourrait n’être qu’un détail devient en fait le symbole d’une bande dessinée qui parvient à transformer l’essai antérieur.
Équatoria se situe en 1911, soit entre La jeunesse du personnage et La ballade de la mer salée, soit, par conséquent, avant Sous le soleil de minuit. Comme a pu le faire Pratt en son temps, Juan Díaz Canales et Rubén Pellejero jouent donc avec la chronologie du héros, ce qui leur permet de combler en partie une période de sa vie sur laquelle nous ne savions pas grand chose jusqu’à présent.
Comme d’accoutumée, nous retrouvons certains personnages historiques qui aident à encrer le récit dans le réel. Cela permet également au scénariste d’appuyer certaines des thématiques fortes qu’il choisit, dont quelques unes ne sont pas sans évoquer des évènements qui nous sont contemporains. L’album évoque ainsi des sujets comme le trafic d’êtres humains, la colonisation, les crimes de guerre et les attentats, sans jamais forcer le trait. Juan Díaz Canales parvient effectivement à créer l’illusion que chaque élément se met en place naturellement, et que, comme d’accoutumée, Corto Maltese se laisse porter par l’aventure. En résulte un album rythmé aux nombreux rebondissements qui parvient à allier action et réflexion de fort belle manière. Niveau dessin, Rubén Pellejero s’empare de ce fond maitrisé avec un style que l’on perçoit plus personnel que d’accoutumée, et semble de par ce fait plus à l’aise que sur le précédent opus.
Il est difficile de donner du poids aux silences en bande dessinée, en cela que le lecteur applique son propre rythme de lecture et choisit de s’attarder ou non sur une case ou l’autre. Ici, le dessinateur ménage quelques planches quasi muettes qui rappellent son savoir faire narratif et confirment l’alchimie qui existe avec son scénariste. Si l’on ajoute à cela un découpage maîtrisé et quelques jolies trouvailles visuelles, il n’en faut pas plus pour faire d’Équatoria un album qui pourrait constituer un tournant intéressant dans la nouvelle direction des aventures de Corto Maltese. Pour en avoir le cœur net, le rendez-vous est pris avec la suite, d’ores et déjà en préparation.