auteur : Serge Joncour
édition: J’ai Lu
sortie: mai 2017
genre: roman
Après une sortie très remarquée en 2016, la love story de Serge Joncour est à présent éditée en format poche. Bien plus qu’une bluette, l’histoire revisite à sa façon Fenêtre sur cour et nous emporte dans un tourbillon amoureux dont la puissance romanesque surprend.
Tout commence avec des corbeaux. Ces sinistres envahisseurs se sont installés dans l’arbre d’une petite cour située entre deux immeubles parisiens. Leurs croassements et leurs regards effraient Aurore, une gérante styliste mal dans sa peau, qui, en plein désarroi dans son boulot, craint leur pouvoir maléfique. C’est que ces corbeaux sont à l’image des peurs qui l’encerclent, comme ses dettes qui s’accumulent.
Mariée et mère de deux enfants, Aurore habite dans l’immeuble A, le côté chic et cher de la rue. Il est occupé par des gens fortunés. L’étroit escalier C qui mène à des logements vétustes, c’est pour les nécessiteux, les solitaires et les oubliés. C’est par là que vit Ludovic, ancien rugbyman reconverti en recouvreur de dettes. Ce garçon de la campagne travaille depuis quelques années dans la banlieue parisienne. Il est veuf et n’a plus approché une femme depuis trois ans.
Peur panique des corbeaux d’un côté, grande solitude citadine de l’autre. Mais le grand et dévoué voisin finira par mettre fin à la cause des angoisses d’Aurore et aider quelques tourterelles à reprendre leur chant dans la cour. Il n’y a cependant pas que les oiseaux qui donnent des accents hitchcockiens au beau roman de Serge Joncour. Il y a aussi les fenêtres sur cour qui relient les voisins tout en les maintenant bien à distance.
Et si au départ, Aurore et Ludovic que tout sépare n’ont pas grand-chose à se dire devant la boîte aux lettres, ils ne tarderont pas à s’attacher l’un à l’autre. C’est d’ailleurs ce qui intéresse Serge Joncour : confronter les cultures et provoquer le désordre amoureux. Dans un monde bien ordonné où dominent les apparences sociales, le romancier français vient ajouter le petit grain de sable qui perturbe les certitudes. L’auteur, en fin observateur, dépeint avec beaucoup d’acuité deux êtres dont la vie ne leur ressemble pas, broyés par la solitude et le mal-être. Il brosse au passage un portrait mordant de la société contemporaine, entre ville et campagne, bourgeois et démunis, banquiers et endettés. L’argent est la grande affaire du livre. Des difficultés du monde rural en passant par la misère sociale, le consumérisme et le milieu impitoyable de la mode avec ses nombreux sous-traitants, il partage les infortunes des cabossés de la vie.
Sous forme de polar habilement construit, Repose-toi sur moi navigue entre les amours d’un couple improbable, une intrigue autour des déboires d’une PME et les indices d’un fait divers troublant. Avec une écriture à la fois poétique et caustique, Serge Joncour parvient à nous captiver avec son histoire aux allures de conte de fée. Aurore et Ludovic essuient des revers ensemble mais l’union de ces deux êtres est si belle que le romancier arrive même à nous faire croire au pouvoir de l’amour comme ultime résistance.