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    Coups de feu et fantasmes Dans Le Noir

    De Régis Duqué, mise en scène de Pierre Somville, avec Amandine Vandenheede, Fanny Dreiss, Colin Javaux, Michel Collige, Jonatahn Simon et Mickaël Dubois. Du 9 novembre au 25 novembre 2017 au Théâtre des Riches Claires.

    Quand tout se passe dans le noir, on découvre une mise en scène cohérente avec un panel d’artistes très prometteur qui nous enfouissent agréablement dans l’atmosphère tamisée de la pièce.

    Une sombre histoire perce l’oppressante noirceur d’une cave, furtivement éclairée par une lampe de poche, tissée par l’angoisse étouffante de l’hôtesse des lieux et le timbre profond de la voix off. La nuit, une nuit, des personnages impriment leur ombre sur cette toile : l’électricien et officier de police, Tom l’homme de main de Mickey, Jerry et son bras droit Donald et enfin Betty.

    En prélude, un fait divers est raconté ; une voix léthargique décrit la découverte d’une femme morte dans le lac gelé, un suicide évident… « J’ai peur dans le noir » répète hystériquement la tenancière, immergée dans sa phobie en cherchant à ramener la lumière dans sa cave. Poussée au bord des nerfs par la nonchalance de l’électricien la laissant seule avec sa terreur, naissent les protagonistes qui l’assiègent.  Une page tombe. Dans son bain, Jerry est surpris par le revolver de Tom, venu régler les comptes de Mickey. Ce dernier est filé par l’officier de police, malhabile justicier en quête de rédemption pendant que Donald, perturbé par Betty, doit être prêt à sauver son patron. Betty, c’est elle qui les rassemble : la femme de Mickey, la maîtresse de Jerry, la tentatrice de Tom, l’amour interdit de Donald et l’obsession de l’officier.

    Dès le départ, on se laisse envelopper par cette torpeur sombre imbibée d’une odeur de tabac froid, de whisky et d’eau de Cologne. L’ambiance lourde au tempo trainant habille parfaitement cette pièce qui est clairement inspirée par le genre du film voir même du roman noir. L’histoire principale, au fil des pages, découle de la plume tremblante de cette tenancière, épouvantée, incapable de s’habituer au noir suffocant, harassée par l’apathie de l’électricien, brutalement hantée par les personnages qu’elle crée, et qui nous plonge dans ses méandres. Et avant même cela, on se trouve déjà dans le même état que celle-ci. Une certaine impatience nous prend au ventre à tel point que l’on aurait envie d’éclairer nous-même la cave. La gêne du noir et la panique suscitée par les êtres qui en éclosent est excitante en tout point.

    Le jeu d’acteur dans la scène de la baignoire nous tient en haleine avec juste quelques relâchements d’attention sur les tirades trainées en longueur tout à fait caractéristiques du genre et qui émoustillent d’avantages notre hâte. Les comédiens se donnent la réplique en ponctuant le tout d’un humour froid qui est non seulement opportun mais délassant. On est séduit également par la qualité de l’interprétation parfois libre des artistes justement dosée tout comme la tension qu’ils instaurent entre eux et sur l’intrigue constitutive.

    Quelques passages en voix off posée sur le fond de surveillance policière, filmée en réel documentaire cinématographique, en retardent le dénouement. Mais ils nous permettent de cerner un des personnages les plus importants qu’est l’officier, la voix subjective, archétype des individus du genre noir : cynique, indice de vérité, en veine d’héroïsme, tourmenté et somme toute impuissant face à la corruption contre laquelle il peine à ramener la loi. Il nous apparaît aussi touchant qu’intéressant en incarnant brillement la faiblesse masculine, l’incertitude et le tracas tout en suscitant le respect par sa bravoure maladroite.

    La valeur incontestable de la femme fatale causant la perte de ceux qui lui succombent est apportée par le secret qui l’enferme. On trouve réussi et idéal le choix de l’éclairage expressionniste pour la scène de Betty qui se prête langoureusement à sa brève mais superbe performance vocale.  De la robe et de l’ambiance, le rouge nous renvoie à toutes ces caractéristiques essentielles de l’histoire comme l’ivresse de l’amour infernal et passionnel, l’infidélité, l’anxiété ou encore le crime.

    On remarque avec amusement que chaque figure porte le nom d’un personnage de Cartoon, peut-être en clin d’œil aux habituels dessins-animés qui précédaient la programmation des films noirs dans le courant des années 50.

    Décidément en plein dans la thématique, entre meurtre, trahison, fatalisme ou pessimisme, dans une lourdeur passionnante, l’œuvre réalisée est une belle performance qui mérite pour la peine de se laisser cerner par l’obscurité.

    Fiona Varani
    Fiona Varani
    Journaliste du Suricate Magazine

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