Mountain
de Yaelle Kayam
Drame
Avec Shani Klein, Avshalom Pollak, Haitham Ibrahem Omari
Sorti le 15 novembre 2017
Mountain est le premier long métrage de Yaelle Kayam mais elle n’en était pas moins attendue avec hâte après le coup de maitre de son court Diploma, en sélection officielle de la Cinéfondation à Cannes en 2009. Mountain explore d’autres voix narratives ; un rythme plus doux, des plans plus larges, de la lumière, d’autres symboles. Au pied du Mont des Oliviers, colline à l’Est de Jérusalem à haut pouvoir symbolique pour les trois religions Abrahamiques, mais également le plus grand cimetière juif, vit une famille juive orthodoxe : une femme, épouse délaissée et mère bienveillante, qui ne quittera (presque) jamais son territoire, mise brutalement nez à nez à son désir.
Figure de la mère, figure de la sainte mais figure absente de sa propre représentation. Comme une image dénuée de désir, Pietà sans tragédie, qui tente vainement de reproduire l’expression d’un sentiment qu’elle ne connait pas, qu’elle ne ressent pas. Tzvia, si tel est son nom, avec toute la beauté de ses traits, n’est finalement toujours qu’un corps qui déambule sur l’écran. Pas d’exploration de soi, de son corps, de son être ; la figure du désir n’est pas convaincante et matérialiser cette dernière aussi littéralement que par l’intégration d’une prostituée dans la narration, va à l’encontre du sensible duquel le film semble vouloir se revendiquer pour tomber dans l’éternelle rengaine du binaire noir, blanc, bien, mal, jour et nuit ; fable de la vénérable et prostituée. Pourtant, comme piégée entre le héros qu’elle ne sera plus et l’anti-héros que l’absence de courage l’empêche encore de devenir ; la performance de Shani Klein reste d’une justesse sans faille.
Mountain crie son potentiel à l’état pictural. Une photographie, dirigée par Itai Marom, éminemment sublime ; pure, transcendante qui fait corps avec les siècles et siècles d’histoire et d’espoir en opposition à ce bunker sombre, traditionnel mais parsemé de modernité. Et des personnages aux allures d’idoles Vermeeriennes déchirées par des archétypes qu’ils ne parviennent plus à définir. Pourtant, avec la certitude que le symbolisme des lieux et des esthétiques ne suffit pas à porter à lui seul un scénario ; le mouvement semble anecdotique. Les scènes s’emboitent mais pourraient ne pas se suivre. L’unité du motif de l’ennui est respectée, brillamment maitrisée, mais les personnages ne semblent pas atteints par le temps qui passe ; pas d’évolution, de régression, de transgression, ils demeurent image et fixité, jusqu’au troisième acte ; sorte de court métrage à lui seul. Problème de fond d’un film sans fin mais pas ouverte ; Mountain pourrait être une tranche de vie mais voilà, elle n’y arrive plus.
Si dans Diploma, l’architecture portait le récit au gré de détours, impasses et fortuites rencontres ; dans Mountain, Yaelle Kayam dépose sa signature en élevant le décor au rang de personnage principal.