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    Dans la chambre d’Isabella, on danse et on chante un siècle de vie

    Mise en scène, scénographie et concept de Jan Lauwers, avec Viviane De Muynck, Anneke Bonnema, Hans Petter Dahl, Julien Faure, Benoît Gob, Misha Downey, Sung-Im Her, Sarah Lutz, Maarten Seghers, Elke Janssens, Jan Lauwers. Du 09/11 au 11/11/2017 au Théâtre National.

    Ecrite en 2004 par Jan Lauwers (excepté le Monologue du menteur, écrit par Anneke Bonnema), La chambre d’Isabella raconte presque un siècle de vie d’une dame à la vitalité attachante, née dans une période historique de changement  profond, de guerre et de colonialisme.

    La chambre d’Isabella est un musée rempli d’objets archéologiques et ethnographiques qu’elle a hérité de son vrai père à la mort de ses parents adoptifs. Son « Prince du désert », comme elle l’appelle lui a légué ce patrimoine accumulé lors de ses voyages en Afrique. Cette chambre-musée est un lieu de mémoire et de souvenirs, l’endroit idéal où mettre en scène le récit de vie d’Isabella, une vieille femme aveugle qui a vécu une vie de passion et d’aventure, en dehors des schémas conventionnels.

    Toute la pièce se déroule dans ce lieu fait de mobilier d’exposition, de masques africains, de figurines et de statuettes. Isabella n’a jamais vu l’Afrique. Elle a rêvé d’Afrique, elle l’a imaginé, en a subi le charme sauvage. Sa petite chambre parisienne est un lieu de mensonge et de faux-semblant, là où elle peut réécrire sa vie et en donner une version différente, plus passionnante et excitante. C’est aussi un lieu de secrets, le royaume du Prince du désert qui en réalité n’a existé que dans les contes que les parents adoptifs d’Isabella lui racontaient. Ce lieu représente la frontière entre ce qui existe et ce qu’on imagine, c’est un lieu intermédiaire.

    Isabella n’est pas seule à raconter sa vie. Entourés d’une scénographie spectaculaire et riche de détails, les fantômes du passé d’Isabella défilent les uns après les autres, et puis tous ensemble, témoins d’une vérité pas toujours facile à accepter. C’est ainsi que ses parents et ses amants interviennent dans la narration pour l’aider à mieux regarder en arrière. A l’aide d’une musique inédite et bien pensée pour accompagner la narration, les comédiens-danseurs-chanteurs créent une dimension autre, où la vérité se mélange au mensonge.

    La chambre d’Isabella est un spectacle pluridisciplinaire où les différentes formes artistiques se mêlent et se complètent pour proposer la version intime du vécu de cette femme. Isabella est aveugle. Son champ de vision est déplacé, elle ne regarde qu’à l’intérieur d’elle-même en mettant en scène une projection personnelle de sa réalité, ornée de fantaisies. Les décennies qui la séparent des événements qu’elle raconte rendent le récit plus froid mais pas pour autant moins poétique. La vieille femme semble être toujours un peu détachée de ce qui se passe, comme si elle racontait à la troisième personne.

    Ce spectacle de Jan Lauwers qui a obtenu, déjà il y a plus que dix ans, différents prix de théâtre et de danse continue à fasciner le public belge et international. La personnalité de Viviane De Muynck et l’indéniable talent de tous les interprètes font en sorte que la mise en scène soit parfaitement réussie. L’esthétique du spectacle est captivante, ainsi que la musique. Cependant, on a par moments l’impression que certaines thématiques abordées (la relation au père, le mythe de ses propres origines, ou même la mort) sont traitées d’une manière soignée dans la forme mais qu’on ne rentre jamais vraiment en profondeur.  Il s’agit sans aucun doute d’un choix particulier qui fait le style de ce spectacle : de manière cohérente avec le caractère de la vieille femme, qui semble être détachée des épisodes qu’elle raconte, ce spectacle pourrait apparaitre un peu froid dans sa manière de rester en surface. Une magnifique surface.

    Elisa De Angelis
    Elisa De Angelis
    Journaliste du Suricate Magazine

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