Jigsaw
de Michael Spierig et Peter Spierig
Epouvante-horreur, Thriller
Avec Matt Passmore, Tobin Bell, Callum Keith Rennie
Sorti le 1er novembre 2017
Après sept films Saw, l’heure est venue pour les studios de sortir une sorte de reboot/spin-off, histoire de surfer encore un peu sur la vague du tueur au puzzle ! C’est ainsi qu’aujourd’hui sort Jigsaw, nouvel épisode destiné à renouer avec l’authenticité créative du début de la franchise.
Dix années ont passé depuis la mort de John Kramer (Saw 3). Cependant, de nouvelles morts mènent la police à rouvrir l’affaire Jigsaw. Alors que de nouveaux cadavres font surface, la police s’interroge : John Kramer est-il réellement décédé ? Ou bien est-il revenu d’entre les morts pour continuer son œuvre macabre ?
Si Jigsaw entend renouer avec l’authenticité des débuts de la franchise, c’est de ce point de vue qu’il doit être jugé ! D’entrée, il convient ainsi de souligner le caractère plus ambitieux de ce nouvel épisode. Dès le début, on voit que la saga a fait du chemin : les personnages sont bien établis, le principe général de la franchise également, et le film se développe alors sur cette base. On sent un concept bien assis, une réalisation sûre d’elle-même et des acteurs qui ont conscience de leur rôle. Et c’est peut-être là que se trouve le problème principal de ce nouvel épisode…
Dès le départ, une confrontation entre la police et une première victime de Jigsaw lance l’intrigue. Celle-ci se retrouve ainsi confrontée à de nombreux agents armés jusqu’aux dents, contrainte d’appuyer sur le bouton d’une télécommande, sachant que les forces de l’ordre risquent fortement de l’abattre. Sans surprise et dans une prestation qui ferait pâlir Marion Cotillard dans The Dark Knight Rises, ce malheureux avalera une salade de plomb destinée à donner corps à l’intrigue !
Arrive alors la fameuse scène où les victimes de Jigsaw sont présentées dans leur espace clos, funeste tombeau en devenir. Jusque-là, rien de bien original : la mise en place est la même que pour les précédents opus de la licence, si ce n’est que les protagonistes semblent mesurer la réalité des évènements. En témoigne l’un des personnages qui déclarera rapidement : « Games can be won ». Dès le départ donc, ceux-ci réalisent qu’il s’agit d’un jeu et qu’en en respectant les règles, ils pourraient revoir la lumière du jour.
C’est là l’un des principaux défauts de ce nouvel épisode : la recette est connue et le film lui-même semble en avoir conscience, cherchant dès lors peu à surprendre le spectateur. Rapidement, les personnages se mettront à hurler et chaque caricature du film horrifique fera alors son apparition : le personnage inutile qui mourra dès les premières secondes, celui/celle plus intelligent(e) qui guidera ses compagnons d’infortune, l’entêté(e) qui courra à sa perte dès son introduction, etc. Toute cette jolie bande se mettra à hurler dès les premières secondes, créant une situation horripilante pour le spectateur enfoncé dans son fauteuil.
La chose constitue en soi un second défaut : la volonté de créer une situation stressante pour le public qui se transformera purement et simplement en sensation désagréable et peu crédible à force de hurlements divers et variés. Ce sentiment s’étendra tout au long du film. Au fond, la recette est désormais tellement connue que plus aucun stress ne peut provenir du visionnage : soit les personnages meurent, soit ils s’en sortent. Le spectateur finit ainsi par attendre l’un ou l’autre dénouement, lové dans un état passif, une sorte de voyeurisme en sommeil.
Le film va ainsi se dérouler, pareil à la licence tout entière. Il enchaînera aussi divers clichés dignes des meilleurs épisodes des Experts (le flic incorruptible tiré à quatre épingles, son collègue blasé et corrompu, les enquêteurs scientifiques imbattables, …).
Cependant, dans sa seconde partie, Jigsaw s’avèrera étonnamment bien meilleur et surprenant que ce à quoi l’on pourrait s’attendre. Quelques retournements de qualité sont ainsi à prévoir et le long-métrage prendra la peine d’installer plus calmement son propos. Il s’éloignera alors de la vaine tentative de faire peur et prendra davantage son temps pour une construction plus sérieuse et bienvenue ! Comme si le film prenait conscience de son manque d’originalité, il cherchera à s’avancer sur un autre terrain.
L’une des grandes qualités de Jigsaw est donc de réaliser, dans sa seconde partie, la nécessité d’offrir une intrigue et des retournements peu attendus au spectateur. L’univers Saw semble ainsi prendre conscience que sa recette est désormais connue et qu’il faut plus que du gore et des pièges inventifs pour capter l’attention des spectateurs. Néanmoins, si l’on pourra saluer quelques excellentes trouvailles et une volonté de réinvention, Jigsaw reste au final un film franchement dispensable, énième épisode d’une licence qui refuse de s’éteindre et finit ainsi par devenir un éternel recommencement. Les fans de la série seront probablement séduits par les trouvailles et retournements inattendus, mais le film en lui-même ne se hisse cependant pas au niveau de son prédécesseur sorti il y a maintenant treize ans…