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    Eté 93, entre deux rives

    Eté 93

    de Carla Simón

    Drame

    Avec Laia Artigas, Paula Blanco, Bruna Cusí

    Sorti le 19 juillet 2017

    Eté 93 sent le parfum du vécu. Dans son dernier film tourné entièrement en catalan, la réalisatrice espagnole Carla Simón revisite son enfance en puisant dans ses souvenirs, son album de famille et son imaginaire. Elle y dresse un portrait sensible d’une enfant marquée par les vicissitudes de la vie, à la recherche d’un nouvel équilibre familial.

    Suite au décès de sa mère, Frida quitte Barcelone pour vivre à la campagne avec sa tante et son oncle qui sont devenus ses nouveaux tuteurs. Plongée dans la Garrotxa (Catalogne), la petite fille de six ans découvre une nature luxuriante et mystérieuse. Elle apprend à connaitre sa nouvelle petite sœur Anna avec laquelle elle va devoir composer. Au fil des jours, malgré la bienveillance de son nouveau foyer, Frida n’arrive plus à contenir ses émotions de plus en plus ambivalentes. Elle teste sa nouvelle famille, cherche ses limites, prépare son retour en ville. Mais elle finit par comprendre qu’elle est là pour rester et qu’elle devra s’adapter à sa nouvelle famille aux contours incertains.

    Carla Simón a choisi de décliner un motif très personnel dans cette chaine de sentiments familiaux. Tout comme son héroïne, elle a vécu une transition difficile cet été-là. Confrontée très jeune à la disparition de ses parents, elle a dû gagner la confiance de sa nouvelle famille adoptive tout en ne sachant pas trop ce qui était arrivé à sa famille biologique. Pour coller au plus près de son terreau familial, Simón a filmé les scènes à la campagne dans sa maison d’enfance ainsi que dans la piscine où ses parents adoptifs travaillaient.

    La réalisatrice espagnole est allée chercher dans l’intime, dans l’ordinaire, la matière de son histoire. Dans une succession de petits tableaux, elle met en scène des moments où le moindre geste, mot ou regard peut précipiter quelqu’un dans le désespoir, la jalousie et le rejet. Avec un sens de la retenue et une large place consacrée au silence, Carla Simón pénètre dans le nouvel environnement teinté d’ambiguïté de Frida. On voit parfois la petite fille incapable de prendre conscience du danger qu’elle provoque tant elle est anesthésiée par la douleur. Mais on la sent rassurée et joyeuse quand elle est entourée de ses grand-parents le dimanche. Simón filme avec justesse des petites choses, des petits riens comme des jeux et des querelles d’enfant ou encore des disputes de couple qui auraient gagné à être plus discrètes car les enfants comprennent souvent bien plus qu’on ne le pense. Peu à peu, elle laisse entrevoir une petite fille à la lisière de sentiments contradictoires.

    Soutenu par une remarquable direction d’acteurs, le film respire la fraîcheur et la spontanéité. Les deux petites actrices de 3 et 6 ans crèvent l’écran, tout est criant de vérité car leur jeu est très naturel. La réalisatrice espagnole possède un talent certain pour comprendre et diriger les enfants. Son passé douloureux et son mal-être resurgissent véritablement à travers les yeux de Frida.

    Carla Simón traite également de la question du sida dans son film (il était abordé aussi dans son documentaire Born positive). Au début des années nonante, le sida, à l’origine du décès de ses parents, était très stigmatisé et sujet à de vives craintes. Si, dans le film, le mot n’est jamais prononcé, quelques indices nous mettent cependant vite sur la voie. Baignée dans une famille aux vieilles valeurs catholiques avec une grand-mère ultraconservatrice, la petite Frida doit faire son deuil, à coup de prières, sans connaitre la véritable histoire de sa mère.

    Par petites touches, la cinéaste livre une œuvre sensible et délicate en parvenant à faire ressortir toute l’âpreté d’une période particulièrement difficile et étrange de sa vie. Cette année, Eté 93 a reçu le prix du meilleur premier film au festival de Berlin.

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