More

    The Two Faces of January de Hossein Amini

    the two faces of january affiche

    The Two Faces of January

    de Hossein Amini

    Thriller

    Avec Viggo Mortensen, Kirsten Dunst, Oscar Isaac, Daisy Bevan, Yigit Ozsener

    Sorti le 18 juin 2014

    Critique :

    Premier film derrière la caméra du scénariste Hossein Amini, à qui l’on doit notamment Drive, The Two Faces of January est un thriller haletant tiré d’un roman de Patricia Highsmith. 
L’histoire commence en Grèce en 1962, où va se sceller la rencontre d’un jeune guide touristique, aussi charmeur qu’arnaqueur (Oscar Isaac) et d’un couple américain venu visiter l’Europe (Viggo Mortensen et Kirsten Dunst) – acteurs tous impeccables et convaincants. Couple glamour et bien sous tous rapports n’apparait cependant pas sans fêlures.

    L’ambiance est exotique, suave même lorsque Amini nous emmène suivre nos trois compères dans les ruines du Parthénon ou dans les marchés aux puces. Mais derrière les paysages de cartes postales et la douceur de saison touristique touchant à sa fin, se trame des tensions psychologiques entre les personnages auxquelles s’ajoutent de biens réelles péripéties dramatiques qui changeront radicalement ce début ensoleillé pour conduire nos héros dans une spirale infernale dont l’issue est incertaine…

    L’équation que met en place Amini est assez subtile et fait plaisir à voir tant elle bien dosée : tout en ne s’appesantissant pas sur les détails biographiques des uns et des autres, le réalisateur-scénariste arrive à rendre compte des tourments émotionnels de ses personnages en même temps qu’il se livre à un jouissif deus ex machina où les protagonistes subissent bien souvent les événements plus qu’ils ne les provoquent. C’est dans ces aspects narratifs là (les rapports qu’entretiennent les sujets du récit et la structure narrative qui les englobent, même si – il faut bien le dire – le film d’Amini est centré principalement sur les personnages, ce qui peut engendrer une certaine frustration pour ceux qui s’attendent à une prédominance des événements et retournement de situations) que le film se fait le plus « Hitchcokien ».

    
Pour autant, le film ne se contente pas d’écraser ses personnages, bien au contraire. Toute la subtilité de l’équation évoquée trouve ici pleinement sa réalisation : en maintenant sans cesse l’espoir – tant pour le spectateur que pour les personnages – que la suite sera meilleure que ce qui précède, Amini œuvre non seulement à rendre son film jouissif et ludique, puisqu’allégé du destin par trop déterminé, mais arrive surtout à donner corps à ses personnages sans forcer sur le corps.

    
Et c’est bien par ce biais que l’on en arrive à la dimension classique du film, au-delà de son caractère classieux. Toute l’Histoire du cinéma peut être analysée par le traitement réservé au corps. Rapidement, The Two Faces of January prend à la fois le contre-pied du corps musculeux et reaganien réactivé en mode post-11 septembre avec Jack Bauer ou Jason Bourne, le corps sacrifié où il subit la violence en mode quasi slapstick chez Scorsese ou Tarantino ou encore les effusions stylisées que l’on trouve dans Drive ou chez Kitano.

    Rien de tout cela ici, donc puisque le film se met toujours à une distance respectable de ses personnages, pas de scène de cul ni de violence « gratuite » : les bagarres sont subies et la fuite est le meilleur moyen de s’en sortir. Et nous même, spectateur, sommes à la fois proche et éloigné d’eux, passant de l’un à l’autre pour nous faire notre propre avis.

    Autrement dit, le film et la construction des personnages ne jouent que très peu sur la fibre du chantage affectif. 
Mécanique hitchcockienne, comme évoquée plus haut, à laquelle il faut donc ajouter le classicisme d’un Faucon Maltais, ou d’un Troisième Homme, et bien entendu les Mr Ripley (de la même auteure). D’illustres références, mais dont le film ne souffre pas : Amini ne joue pas à faire son Casablanca et c’est tant mieux. Aussi, contrairement à la tendance actuelle, il sait rester concis : 1h37 tout compris.

    Il n’échappe cependant pas à quelques baisses de rythme après l’heure de film, sans que cela ne casse complètement le film pour autant, puisque les enjeux sont rapidement relancés pour arriver au final.

    Classique, respectant le cahier des charges du film noir et du thriller psychologique, assorti comme il se doit d’une superbe bande-son orchestrale, The Two Faces of January n’est pas dénué de véritables moments de bravoures filmiques (notamment un plan-séquence que n’aurait pas renié Cuaron ou De Palma). Et s’il est souvent à la limite de la citation ou du passéisme, et qu’il se laisse quelques fois piégé par son esthétique au point de rendre ses images compassées, on ne peut que reconnaitre à Amini de garder une ligne directrice artistique sans ambiguïté et assumée (à savoir, faire de « l’anti-Paul Greengrass »).

    Ce film, qui réactive avec brios des formules qu’on pensait trop éculées pour être si respectueusement appliquées, ne révolutionnera pas le cinéma, mais vous fera passer un excellent moment.

    Julien Chanet
    Julien Chanet
    Journaliste du Suricate Magazine

    Derniers Articles