scénario & dessin : Pascal Moguérou
éditions : Le Lombard
sortie : 5 mai 2017
genre : fantastique
Pascal Moguérou n’en est pas à sa première collaboration avec Le Lombard. En 2012, il y publiait son Fabuleux Abéféédaire farfelu, dictionnaire du légendaire féérique, qui avait ravi les amateurs du genre. Aujourd’hui, l’auteur et illustrateur breton réitère l’expérience avec Sombres fééries, un album qui rompt avec son traitement humoristique de la féérie pour opérer un basculement plutôt réussi dans la noirceur.
Si le titre de l’album annonce la couleur, la préface, rédigée comme une mise en garde, donne le ton. Adressée directement au lecteur, elle l’invite à se défaire de ses idées reçues et à retrouver son âme d’enfant pour se laisser gagner par la peur. Se plonger dans Sombres fééries, c’est donc choisir d’entrer dans un univers à part entière, qui explore la dimension obscure des contes et légendes. L’album, qui se présente sous la forme d’un recueil d’histoires courtes richement illustrées, relate les mésaventures de quelques personnages malchanceux aux prises avec les croyances et les créatures malfaisantes qui fondent l’imaginaire des fééries bretonne, celte ou canadienne.
La force de cet ouvrage réside à la fois dans la qualité de ses illustrations détaillées et foisonnantes, qui lui confèrent une vraie dimension esthétique, mais aussi dans sa capacité à immerger totalement le lecteur dans un monde de magie et de folklore. Avec le dessin expressif, qui oscille entre humour et horreur, la mise en page et la couleur du papier donnent à l’album l’aspect des vieux grimoires tandis qu’on retrouve dans la narration l’influence du conte, de la fable et de la légende, mais aussi une part d’oralité et de lyrisme qui rappelle les prémices de la mémoire collective.
La teneur des récits est intéressante en ce qu’elle invite à découvrir ou redécouvrir des thèmes, des lieux ou des figures emblématiques des contes et légendes qui caractérisent certains folklores. On retiendra, notamment, la légende québécoise du Wendigo, qui nous transporte à l’époque des tribus amérindiennes, des chamans et de leur croyance en les esprits de la nature. Néanmoins certaines intrigues manquent de profondeur et s’écourtent rapidement en laissant le lecteur sur sa faim. En outre, le recours à un vocabulaire ancien, littéraire et régional, et à une terminologie propre à la matière féérique témoigne d’un vrai travail de la langue, mais peut parfois alourdir le texte et rendre la lecture difficile.
Malgré quelques imperfections, Sombres fééries est somme toute une réussite. Le choix des thèmes, le travail du dessin, de la narration et la mise en place d’une forte cohérence interne invitent le lecteur à s’immerger dans le récit pour un voyage aux confins des imaginaires.