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    La Région Sauvage, personnifier le mal du siècle

    La Région Sauvage

    d’Amat Escalante

    Drame

    Avec Kenny Johnston, Simone Bucio, Simone Bucio

    Sorti le 17 mai 2017

    Comment aborder un film d’Amat Escalante sans entraver au mystère qu’il nous conte ? La Région Sauvage nous plonge dans un drame familial en totale implosion. L’arrivée de Veronica, une jeune femme aux antipodes car à priori libre, fait irruption dans leur vie pour la transformer à tout jamais.

    Le génie d’Amat Escalante perdure dans l’équilibre qu’il maintient entre réalité et fiction. La science-fiction peut en décourager plus d’un, mais le réalisateur l’utilise avec génie en associant sa passion du genre à son combat social contre l’injustice. Aucun élément n’est gratuit, la science-fiction est au service de la narration, sans jamais la dépasser, pour nous entrainer dans les méandres du simplement bizarre. Ici la science-fiction apporte, dans un contexte social réaliste, la physicalité du mal. Chaque mal du siècle est personnifié par les artistes qui les habitent. A l’instar de Dracula, pour ne citer que l’emblématique, Amat Escalante crée sa bête. Un mélange d’intolérance, de violence et de sexualité, parce qu’il est parfois plus rassurant de physiquement voir ce que l’on doit combattre.

    Plongée dès les premières images dans la jouissance puis dans la brume, La Région Sauvage instaure d’emblée un sentiment d’étrange étrangeté que la photographie maintient même dans les images du quotidien. Seule la lumière nous ménage parfois de l’image, la caméra toujours très frontale ne se soucie pas des limites du montrable, la nudité, la mort jusqu’à l’un des tabous ultimes. Le cadre isole les personnages, comme si la seule relation possible entre les hommes n’avait lieu que dans la tension d’opposition d’un face à face.

    Partant d’un fait divers lu dans le journal, la production se gorge de toute la violence de notre siècle et, tout en le poussant à son paroxysme, ouvre une brèche à la guérison de notre société, parce qu’il conscientise son mal. Lauréat du grand prix du jury (Lion d’argent) à la Mostra de Venise, La Région Sauvage est un film plein de sagesse, qui ne doit pas décourager par les codes qu’il utilise. Comme un souffle nouveau en vue de la réconciliation des genres, Amat Escalante fait partie des rares qui réussissent à situer leur film tant dans le cinéma social que dans la science-fiction.

    Audrey Lenchantin
    Audrey Lenchantin
    Journaliste du Suricate Magazine

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