Their Finest
de Lone Scherfig
Comédie romantique
Avec Gemma Arterton, Sam Claflin, Bill Nighy, Jeremy Irons, Eddie Marsan
Sorti le 17 mai 2017
Nous avons parfois tendance à l’oublier, mais les guerres, malgré leur cortège de batailles, sont souvent bien plus riches que ce que l’on soupçonne. La Deuxième Guerre mondiale par exemple, bien que dévastatrice et parsemée d’innommables horreurs, est à la base de bien des évolutions constitutives de notre monde actuel : l’invention des missiles v1 et v2 par les Nazis permit par exemple d’envisager la possibilité de construire les fusées et de poser le pied sur la lune, et le décodage du système Enigma par Alan Turing donna lieu à la création des premiers ordinateurs.
L’histoire du Second Conflit regorge ainsi d’évènements captivants, comme l’opération « Fortitude » ou l’opération « Chair à pâté » (passionnante histoire détaillée dans le livre « L’homme qui n’existait pas » d’Ewen Montagu, adapté au cinéma en 1955 par Ronald Neame), destinées à tromper l’ennemi par des stratagèmes d’une incroyable subtilité.
Dans ce contexte, le cinéma de propagande joua un rôle énorme : fin avril, nous vous parlions notamment du cartoon « Der Fuehrer’s Face », produit par les studios Disney et destiné à nuire à l’image du nazisme et à asseoir publiquement la certitude selon laquelle l’Allemagne hitlérienne était un régime liberticide. Et celui-ci n’est qu’un film parmi d’autres. Un article complet mériterait d’ailleurs d’être un jour consacré au sujet… Des cinéastes de talent tels que Frank Capra ou Alfred Hitchcock participèrent ainsi à cette dynamique visant à booster le moral des troupes et à décrédibiliser l’ennemi. À ce titre, nous vous recommandons notamment le très intéressant « Lifeboat » d’Hitchcock, sorti en 1944 et scénarisé par rien moins que John Steinbeck.
C’est sur cette base que la réalisatrice Lone Scherfig livre aujourd’hui son Their Finest, adapté du roman « Their Finest Hour and a Half » de Lissa Evans.
Catrin Cole (Gemma Arterton) est une jeune scripte employée au Ministère de l’Information britannique. Alors que le Ministère cherche à lancer la production d’un film destiné à remonter le moral des troupes, celle-ci est envoyée interviewer deux sœurs jumelles supposées avoir participé à l’évacuation de Dunkerque grâce au bateau de leur père ; elle découvrira cependant que celles-ci sont en réalité tombées en panne au large des côtes anglaises et n’ont jamais achevé leur périple. Mais le gouvernement britannique étant convaincu qu’un tel film pourrait convaincre les États-Unis de participer à la guerre, les producteurs décident néanmoins d’adapter l’histoire de Lily et Rose Starling.
Their Finest est un excellent film, dans la plus pure tradition britannique. Il possède une légèreté, un humour et un charme bien anglais, tout en abordant un sujet complexe qui fait la fierté des habitants d’Albion : le Blitz et la ténacité des sujets de Sa Majesté face aux bombardements allemands au cours de la Seconde Guerre mondiale. Ténacité soulignée par Churchill le 18 juin 1940 lorsqu’il encourageait ses compatriotes à résister afin d’un jour pouvoir dire « This Was Their Finest Hour ».
On trouve un peu de Richard Curtis dans ce film : c’est enlevé, les personnages sont typés, hauts en couleur, … Sans arriver à recréer parfaitement l’atmosphère d’un des films de ce dernier, la réalisatrice Lone Scherfig installe une sorte d’insouciance propre au cinéma de Curtis. La chose n’est bien évidemment possible que grâce au talent des acteurs composants le casting, Bill Nighy en tête, qui incarne un personnage narcissique, ancienne vedette de télévision reposant sur ses lauriers et refusant de s’abaisser à jouer un second rôle ; un genre de George Peppard version 1940. Mention spéciale à l’acteur qui livre dans la seconde moitié du film une superbe interprétation de la chanson The Wild Mountain Thyme. Par contre, petit anachronisme, cette chanson ne fut enregistrée qu’en 1957 – bien qu’elle s’inspire du poème The Braes of Balquhither écrit au XIXe siècle par Robert Tannahill – alors que l’action du film se déroule en 1941. Mais l’interprétation est si belle qu’on ne s’arrêtera pas sur ce détail.
Mais c’est Gemma Arterton qui brille le plus dans ce Their Finest. Avec une interprétation tout en retenue et en subtilité, la superbe Gemma porte ce film sur ses frêles épaules et y intègre une touche de douceur bienvenue. Partiellement basée sur le personnage réel de Diana Morgan, Arterton incarne ainsi une femme forte qui met ses compétences au service de l’effort de guerre. Bien que Catrin Cole soit présentée comme talentueuse mais mal rémunérée, le film évite cependant d’insister lourdement sur le sujet et la composante féministe est ainsi amenée de manière subtile et sous-jacente.
Enfin, Their Finest est avant tout un film sur le cinéma et sur l’amour du cinéma, un film qui expose le déroulement d’une production et les problèmes rencontrés pour arriver au bout de celle-ci.
Bref, courrez voir ce film, vous ne le regretterez pas. Il s’agit là d’une réalisation légère et divertissante qui n’oublie pas pour autant d’être enrichissante et intelligemment réalisée !