auteur : Michel Thévoz
édition : de La Différence
sortie : février 2017
genre : essai
« (…), la folie n’est pas un fait de nature, elle ne se déclare pas comme un rhumatisme ou une infection, c’est un phénomène de culture : elle varie dans sa définition même et dans son extension selon le contexte social, politique, idéologique, familial, etc. » (p.23)
Cette phrase pourrait à elle seule résumer l’objet de cet essai, produit d’une longue réflexion sur la folie et la place qu’elle occupe dans la société et qui va de pair avec ses brusques évolutions de pensée, ses retours en arrières soudains et paradoxaux ou encore le maintien dans le statu-quo incertain tant que ne sont pas révélé les manquements et autres disfonctionnements d’un système que l’on reléguait dans l’oubli des consciences.
Parce que la folie, quelle que soit la définition qu’on lui donne, est au pire une tare atroce vous rendant inapte à faire partie du plus grand nombre, au mieux, vous disposez d’un avantage par rapport à eux. Le point commun c’est que les personnes considérées comme « folles » sont jugés incapables de se couler dans le moule sociétal, que cette particularité les amoindrisse ou les renforce.
La folie fait peur parce qu’elle est un miroir de nos propres comportements. La manière dont on traite les fous (ou par extension les marginaux, les étrangers, etc.) reflète la manière dont nous traitons tous ceux qui vivent ou pensent de manière différente de nous. Cela reflète notre degré de tolérance face à la différence, cette grande inconnue. Enfin, cela fait ressortir nos faiblesses, nous fait éprouver un futile et tout à fait erroné, sentiment d’importance insidieux.
Requiem pour la folie est un essai dont le questionnement prend sa source dans l’observation d’une sorte de revirement dans la pensée artistique lorsque les œuvres des pensionnaires des asiles psychiatriques firent l’objet d’une attention toute particulière des médecins qui les étudiaient flairant là l’obtention possible de gros gains. Les études des dessins des malades qui devaient permettre de mieux comprendre le cheminement de leur pensée ou pratiqué dans un but thérapeutique, évoluera pour donner un mouvement artistique appelé l’Art Brut. L’idée qui portait ce mouvement était que puisque la majorité des génies produisaient des chefs-d’œuvre dans un état de conscience altérée (traduction : sous l’influence de psychotropes) et que les malades souffrant de dysfonctionnements mentaux se rapprochaient de cet état, ceux-ci étaient donc prédisposés à l’art…
Vous avez dit « absurde » ? Ce ne sera pas à nous de trancher. Michel Thévoz dirige notre raisonnement en lui faisant emprunter des chemins détournés pour l’amener à observer la même problématique sous un angle de vue tout à fait différent mettant un nouvel éclairage sur un thème un peu dissimulé, un sujet encore tabou dans bon nombre de sociétés qui devrait au contraire être mieux connu pour que l’on puisse s’interroger sur nos propres mécanismes de rejets infondés.
Requiem pour la folie est un essai parfois troublant mais très réfléchi qui attire notre attention sur un sujet que l’on préfère trop souvent maintenir dans l’oubli.