Sieranevada
de Cristi Puiu
Drame
Avec Mimi Branescu, Judith State, Bogdan Dumitrache, Dana Dogaru, Sorin Medeleni
Sorti le 22 février 2017
Le stéréotype de la suprématie du cinéma roumain en termes de films d’auteur a la vie dure depuis déjà un certain nombre d’années. Il faut dire que ce cinéma est particulièrement prisé dans les festivals, au point que l’on se demande parfois si les films ne sont pas conçus explicitement pour les enchaîner et pour gagner des prix, plus que pour un public de plus en plus incertain. Sieranevada n’échappe pas à la règle puisque ce film de presque trois heures s’est vu, en mai dernier, réserver une place de choix au sein de la très prisée sélection cannoise.
Le film recrée une sorte de microcosme de la société roumaine au sein d’une réunion de famille à l’occasion d’une cérémonie de commémoration 40 jours après la mort d’un père de famille, dans l’appartement du défunt. La caméra s’applique à passer d’une pièce à l’autre, délimitées par des portes qui s’ouvrent et se ferment au rythme des déplacements incessants des nombreux membres de la famille, et capte les conversations plus alimentées par l’attentat récent de Charlie Hebdo – l’action se déroule trois jours après celui-ci –, par les plaies toujours ouvertes laissées par le communisme, ou par les infidélités répétées d’un oncle envahissant, que par la mémoire du père disparu. Alors que le nombre de convives augmente et que le pope devant célébrer la cérémonie se fait attendre, le ton monte entre les différents protagonistes et le jeu de massacre se met en place.
Si le malaise de plus en plus grand que l’on ressent devant cette mouvance de films d’auteurs tous coulés dans le même moule – qui se complait à observer ses personnages paumés se faire du tort dans un style entomologique et distancié – est bien présent durant la longue vision de Sieranevada, il resurgit également à la lecture des notes d’intention du réalisateur, tant ce qui y est exprimé semble éloigné que ce qui transparaît dans le film. On y apprend par exemple que la caméra et ses mouvements sont censés représenter l’âme du mort qui se promène dans son ancien appartement, alors que cette hypothèse n’est jamais créditée par ne serait-ce qu’un plan, une allusion visuelle. On y comprend également que Cristi Puiu se rêve dans la continuité de Luis Buñuel et plus particulièrement de son Ange exterminateur, alors que son film renvoie plutôt aux règlements de compte familiaux façon Thomas Vinterberg (Festen).
Si le film plaît néanmoins à une frange de la critique – et à des sélectionneurs festivaliers – c’est principalement par sa manière de rendre ostentatoire une maîtrise de mise en scène et de direction d’acteurs qui apparaissent de plus en plus comme des gages de « qualité » qui rassurent les cinéphiles les plus paresseux : comme on parlait que « qualité française » concernant le cinéma de papa des années 50, on peut désormais parler de « qualité roumaine » pour désigner ces films parfois plus balisés et formatés qu’un blockbuster hollywoodien.