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    Silence, crise de foi

    Silence
    de Martin Scorsese
    Drame historique
    Avec Andrew Garfield, Adam Driver, Liam Neeson, Tadanobu Asano, Shinya Tsukamoto
    Sorti le 15 février 2017

    Voilà 30 ans que Martin Scorsese rêvait de ce film : l’adaptation du roman de Shusaku Endo sur les prêtres apostats du Japon, un film sur la religion en ligne directe avec sa Dernière tentation du Christ, sorti en 1988. Trop longtemps mûri et passé par différentes possibilités de casting, c’est un curieux film qui nous arrive aujourd’hui, dont le résultat n’est apparemment pas à la hauteur des intentions et tiré vers le bas par un acteur principal cabotin et mal casté.

    Au XVIIème siècle, deux prêtres jésuites partent au Japon pour retrouver leur mentor, le père Ferreira, disparu lors d’une mission d’évangélisation. Dans un pays où le catholicisme est devenu illégal, ils tentent d’apporter la bonne parole aux autochtones de confession chrétienne et tentent de retrouver la trace du père Ferreira, le tout dans la clandestinité. Ils sont également témoins des exactions de l’Inquisition, laquelle tente de faire renoncer les fidèles à leur appartenance et brûlent les récalcitrants.

    Si le film provoque immédiatement une réaction de distance de par son aspect d’épopée ample et grave dans laquelle des acteurs anglo-saxons jouent des missionnaires portugais et où les plus petits villages du Japon du XVIIème siècle sont tous habités par de parfaits bilingues, il faut néanmoins dépasser ce rejet inconscient qui s’inscrit dans notre culture de spectateurs européens mais qui gênera certainement beaucoup moins – voire pas du tout – les spectateurs américains. Passé cet effort, on peut se raccrocher aux images, à la mise en scène presque picturale de Scorsese, et à l’intérêt historique. Mais d’autres obstacles dus à la fabrication du film et à son discours ne cessent de se mettre sur le chemin du spectateur le plus ouvert d’esprit, le plus investi qui soit.

    Le premier de ces obstacles – et non des moindres – est le choix, sans doute guidé par des impératifs de production, de confier le rôle principal à Andrew Garfield, acteur plutôt à sa place dans Social Network ou dans Spider-man, mais qui semble aujourd’hui abonné aux rôles à dimension religieuse – après Tu ne tueras point de Mel Gibson. Il manque cruellement d’épaisseur et pallie ses lacunes en surjouant l’affliction et la douleur exacerbée. Son personnage n’est d’ailleurs qu’une des nombreuses manifestations de la trop grande tendance du film au dolorisme. Depuis La Passion du Christ – également de Mel Gibson, décidément mètre-étalon du genre – le film religieux semble devoir obligatoirement être dans la démonstration de martyrs atroces.

    Cette « martyrisation » de personnages de jésuites persécutés – bien que véridique – a ceci de problématique qu’elle met en exergue une vérité historique particulière, sans vraiment la remettre en perspective. Même si elle est évoquée, l’entreprise de « colonisation religieuse » que menaient les prêtres jésuites n’est jamais vraiment remise en question. De la même manière, le film se fait de plus en plus obscur dans son discours, au fur et à mesure qu’il se rapproche de son dénouement. En montrant que la répression de la foi ne fait qu’accroître la force de celle-ci, on ne sait trop ce qu’il tend à exprimer : veut-on dire que la liberté de culte est le meilleur moyen de contrôler les religions, de baliser la foi, ou bien qu’il faut se méfier de l’absence de religion, laquelle serait au mieux suspecte, au pire nocive ? C’est toute l’ambiguïté d’un film phagocyté par sa dévotion à un fond malgré tout idéologique.

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