Harmonium
de Kôji Fukada
Drame
Avec Tadanobu Asano, Mariko Tsutsui, Kanji Furutachi
Sorti le 15 février 2017
Harmonium est un drame intimiste qui plonge le spectateur dans le quotidien d’une famille japonaise qui semble des plus banales. Et pour ce faire, Koji Fukada accentue, dans son deuxième long-métrage, tout l’aspect descriptif de la situation. Il met en place un véritable décor qui semble, parfois à tort, dépourvu de tout intérêt narratif. Car, pourtant, la mise en scène repose sur un étrange paradoxe : derrière les détails anodins se cachent des sujets forts, ainsi qu’une critique des principes de la société japonaise.
Toshio (Kanji Furutachi) est propriétaire d’un modeste atelier de métallurgie ouvert dans la petite banlieue qu’il habite. Père d’une jeune fille pleine d’entrain nommée Hotaru, fruit d’une routine de tendresse qu’il partage avec sa femme Akie (Mariko Tsutsui), il ne semble pas mesurer la chance qu’il a d’être ainsi entouré. Mais c’est alors qu’une étrange visite bouscule le petit train-train de cette charmante famille : Yasaka (Tadanobu Asano), au sortir d’un séjour de prison, vient, en effet, chercher l’hospitalité auprès de Toshio, son vieil ami. Mais, petit à petit, l’ancien détenu semble s’attirer les grâces d’Akie, notamment en apprenant l’harmonium à Hotaru. Et il parvient ainsi à s’immiscer dans le cocon familial.
L’une des forces d’Harmonium est donc de traiter de sujets profonds tels que, vous l’aurez bien sûr deviné, la construction de la cellule familiale au sein d’une société qui lui accorde toute son importance. Mais ce drame remet aussi en question de grands principes sur lesquels repose la culture japonaise comme la loyauté et le respect qui peuvent entraîner certains non-dits. Et toute la ferveur du film est donc d’en traiter en silence. Et c’est, en fait, surprenant de découvrir comment Koji Fukada parvient à aborder le non-dit en n’en disant le moins possible ; en dissimulant sa critique dans le quotidien d’une famille typique des banlieues japonaises.
D’ailleurs, les dialogues, comme le cadrage, sont aussi très modérés, et cela dans le but d’en évoquer plus que de n’en dire. Par exemple, souvent revient ce même plan décrivant une scène très lisse d’un repas pris en famille. Et c’est à travers la répétition de ce qui semble être un moment sans importance que Koji Fukada marque toute la tension et la menace qui marque ce foyer. Par ailleurs, la temporalité du film est le fruit d’une réflexion pertinente qui répond à une forme de symétrie dans la narration.
Mais pourquoi l’harmonium ? L’harmonium est l’instrument joué par Hotaru et aussi le fil conducteur de l’histoire. D’ailleurs, la même sobriété qui pousse le réalisateur à mettre en scène un drame aussi curieusement calme – presque alcyonien – dont le seul décor est un village qui semble vidé de ses habitants, justifie l’absence de musique extradiégétique si ce n’est le son de ce fameux instrument.
Harmonium, si il y advient des moments parfois un peu lents, tire sa force de la réflexion qui l’a inspiré. Il fait pourtant partie de ces films qui laissent dubitatif à la vision, mais qui éclairent par leur génie juste après. Il est donc d’autant plus appréciable une fois vu, car il ouvre des champs de compréhension qui ne semblent pas évidents lors de la vision, masqués par l’ambiance très particulière et un peu langoureuse du propos.