Les beaux jours d’Aranjuez
de Wim Wenders
Drame
Avec Reda Kateb, Sophie Semin, Jens Harzer, Nick Cave, Peter Handke
Sorti le 15 février 2017
Depuis la fin des années 90, le cinéma de Wim Wenders est devenu de plus en plus insaisissable – pour ne pas dire abscons – et ses atermoiements entre fiction impressionniste et documentaires au premier degré ont fini par lasser les plus réceptifs à son univers. Alors que son précédent film (Every Thing Will Be Fine) tentait un mélodrame édifiant sur la culpabilité, avec un casting de stars, Les beaux jours d’Aranjuez revient à quelque chose de beaucoup plus confidentiel et élitiste, l’adaptation d’une pièce en français du dramaturge et écrivain autrichien Peter Handke.
Le principe du film est aussi simple que celui de la pièce : un homme et une femme sont assis sur une terrasse, face à un jardin, et dialoguent sur la vie, le sexe, des souvenirs d’enfance et des expériences passées, le tout dans un lieu et une époque indéterminés, hors du temps.
Il est toujours délicat d’appréhender des adaptations de pièces autrement que comme du théâtre filmé, comme la mise en cadre d’une base très écrite et souvent très limitée sur le plan spatio-temporelle. Le cas présent est particulier puisqu’il s’agit d’un dialogue, un texte à deux personnages, qui tend précisément à ne pas s’éloigner de cette conversation et ne s’appuie que sur le déroulé de celui-ci. Wenders a fait le choix radical de ne pas sortir de ce huis-clos en plein air, et de respecter le texte à la virgule près. La seule licence scénaristique qu’il prend à son compte est d’avoir introduit, dans le même lieu, mais dans une ligne narrative différente, la figure de l’écrivain, qui observe ses personnages converser et son texte s’écrire.
On ne peut reprocher au cinéaste de ne pas faire un geste fort de cinéma, de ne pas épurer au maximum sa mise en scène pour rendre compte d’un lieu souvent filmé en plan large et des prestations de deux comédiens qui se répondent et s’influencent. Mais, dans les faits, cette tentative unilatérale ressemble malheureusement trop à une caricature de film d’auteur tourné en cercle fermé, dont on ne sait pas vraiment à qui il s’adresse sinon à un cercle d’initiés très restreint. Le choix de ce texte en particulier ne fait que renforcer cette impression, tant il est difficile d’accès.
Il faut une grande dose de bonne volonté et d’ouverture d’esprit pour se laisser porter par le rythme lent de ce film beau mais opaque, mais ce n’est pas non plus impossible. Le jeu des comédiens peut fasciner, notamment dans le décalage entre la déclamation très théâtrale de Sophie Semin et le jeu plus moderne, plus direct de Reda Kateb. Tout comme l’étrangeté du texte et la sonorité particulière des mots, écrits par un écrivain dont le français n’est pas la langue maternelle. Peut-on marcher à un film sans savoir exactement quel est son but ? Peut-on aimer un texte sans comprendre de quoi il parle ? Ce sont les questions délicates que pose la vision de ces Beaux jours d’Aranjuez, sans y apporter de réponses claires et définitives.