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    Les Figures de l’ombre, des femmes d’exception

    Les Figures de l’ombre

    de Theodore Melfi

    Drame, Biopic

    Avec Taraji P. Henson, Octavia Spencer, Janelle Monáe

    Sorti le 1er février 2017

    Dans l’Amérique ségrégationniste des années 50, trois scientifiques afro-américaines,  Katherine Johnson (Taraji P. Henson), Dorothy Vaughan (Octavia Spencer) et Mary Jackson (Janelle Monáe) travaillant pour la NASA vont voir leur destin basculer et permettre aux États-Unis de mettre en orbite l’astronaute John Glenn, première étape d’un possible voyage vers la lune. Maintenues dans l’ombre mais figures majeures de la société scientifique, ce film retrace leur parcours dans un pays en proie à de profondes inégalités.

    Les Figures de l’ombre ne déroge pas aux règles du biopic scientifique américain comme Une merveilleuse histoire du temps sur Stephen Hawkins ou Un homme d’exception à propos de John Forbes Nash : introduction en flashback, mise en place des enjeux que devront affronter les personnages principaux, jusqu’à l’histoire d’amour romantique et moralisante. La réalisation aussi est d’un classicisme sobre mais agréable et les années 50-60 sont fidèlement recréées à travers les décors et les costumes.

    Ce qui rend ce film intéressant sont les thèmes qui y sont abordés. De prime abord, le récit nous semble assez manichéen, les gentilles-afro-américaines-surdouées méprisées par les méchants-blancs-ignorants, mais l’univers mis en place nous paraît ensuite assez proche de la réalité, nous révélant son absurdité : Katherine doit traverser le complexe de la NASA pour aller aux toilettes réservées aux noires, Mary doit avoir un diplôme de blanc pour être ingénieure et Dorothy risque la prison pour un livre qui se trouve dans la section blanche de la bibliothèque.

    Mais la dénonciation ne se limite pas uniquement à un rapport de communautés. Elle est intelligemment élargie aux revendications féministes et à la place de la femme dans la société de l’époque. On appréhende ainsi une autre injustice qui veut qu’une femme ne puisse prétendre à des responsabilités et que sa situation lui impose des codes de conduite qui se rapprochent des codes ségrégationnistes. On les oblige à porter des talons et une jupe sous les genoux. Seule fantaisie autorisée ? Un collier de perles. Un bémol cependant à cette volonté émancipatrice : l’histoire d’amour pathétique et moraliste entre Katherine et son futur mari, qui ménage gentiment la bienséance réactionnaire et fait d’elle une rebelle mais tout de même une « bonne personne ».

    C’est d’ailleurs ce que l’on pourrait reprocher à ce film, son caractère moralisateur et bien-pensant. Le récit tend à montrer que le mérite est la seule façon de prouver son droit à un statut égalitaire. On dénonce ici deux types de ségrégations intégrées dans une société, mais on oublie de faire référence à Rosa Parks ou Angela Davis, les deux principales figures féminines du mouvement des droits civiques. On introduit Martin Luther King, mais chaque référence à la confrontation est tout de suite décrédibilisée par une démonstration idyllique du pouvoir de la volonté et des institutions : Mary obtient son diplôme grâce à un juge qu’elle a su convaincre, Katherine peut faire ses besoins dans les toilettes pour blancs parce que son chef en a marre de ses retards et prend conscience de sa situation. Dorothy quant à elle obtient sa promotion car la situation administrative bloque les processus en cours.

    Les Figures de l’ombre nous plonge donc fidèlement dans l’Amérique ségrégationniste du début des années 60, mais sa facture classique et parfois moralisatrice, très éloignée d’un film de Spike Lee, atténue son caractère militant et dénonciateur. Malgré cela, ce film corrige un oubli de plus de 60 ans, mettant en lumière le rôle important qu’ont tenu ces femmes scientifiques de couleur dans la course aux étoiles entre les USA et l’URSS qui emmènera le premier homme sur la lune.

    Bruno Pons
    Bruno Pons
    Journaliste du Suricate Magazine

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