American Pastoral
d’Ewan McGregor
Drame, Historique
Avec Ewan McGregor, Jennifer Connelly, Dakota Fanning
Sorti le 28 décembre 2016
En adaptant sur grand écran American Pastoral, un monument de la littérature contemporaine, l’acteur Ewan McGregor dresse, pour ses débuts derrière la caméra, le portrait d’une famille juive dans les environs de New York. Evoluant dans les années 1960-1970, deux décades corrosives aux Etats-Unis, cette famille aux apparences parfaites va servir de prétexte à un dynamitage en règle du rêve américain.
Seymour Levov, surnommé « le Suédois », est l’incarnation parfaite de la réussite américaine. Ancien athlète de haut niveau et idole de son école, fils modèle, patron apprécié de ses employés, marié à une ancienne reine de beauté du New Jersey, il est plutôt gâté par la vie. Seule petite ombre à ce tableau idyllique : sa petite fille Merry souffre de bégaiements dès qu’elle est saisie de la plus légère émotion. Mais Seymour, en bon père de famille, est très attentif à son évolution. Il adore sa fille, est soucieux de son éducation et lui consacre beaucoup de temps. Les années passent. Merry, âgée alors de 16 ans, se rebelle. Elle se rapproche de mouvements révolutionnaires opposés à la guerre du Vietnam. Un jour, elle disparait. Ses parents accusent le coup. Et pour cause, leur fille est soupçonnée d’avoir commis un acte terroriste dans sa ville natale. Déterminé à réunir sa famille, Seymour part à la recherche de sa fille révoltée. Profondément ébranlé par ce qu’il découvre, il doit affronter le chaos qui secoue la société américaine et jette les bases d’un nouveau monde.
Inspiré du premier volet de la trilogie américaine de Philip Roth (La tache, j’ai épousé un communiste) qui a valu à son auteur le prestigieux prix Pulitzer, le film American Pastoral d’Ewan McGregor parle du petit grain qui fait dévier la vie des gens, la petite fêlure par laquelle tout s’écroule avec fracas. A cause de sa fille bègue, devenue une poseuse de bombes passée dans le camp terroriste au moment où les Etats-Unis s’embourbe dans le marigot vietnamien, Seymour Levov, l’incarnation parfaite du modèle d’intégration, voit sa vie voler en éclats. Aux déchirures intimes du père, l’histoire y ajoute les convulsions d’une époque livrée à la violence aveugle. Des rues de Newark sont à feu et à sang car les Noirs réclament une réelle égalité des droits civiques. Quelques années plus tard, un gros scandale de corruption gouvernementale éclate à la Maison Blanche. Peu à peu, le spectre d’une autre Amérique se dessine.
Portant pour la première fois une double casquette acteur/réalisateur, Ewan McGregor (Trainspotting, un été à Osage county) ne parvient pas à signer une adaptation réellement ambitieuse. Le comédien britannique n’a pas joué la carte de l’audace et du panache dans sa mise en scène mais a plutôt opté pour une sobriété visuelle et une narration relativement linéaire, sans grande originalité.
Servi néanmoins par une belle photographie et une excellente distribution, son film reste malgré tout une belle réussite même s’il manque sensiblement d’envergure. Son approche modeste présente d’ailleurs plusieurs avantages. Alors qu’il aurait pu se disperser et se perdre dans une fresque historique en s’attardant sur les plaies de l’Amérique, Ewan McGregor se focalise essentiellement sur la relation père-fille et réussit particulièrement bien l’introspection parentale en tentant de comprendre l’inacceptable, l’incompréhensible. Et puis, sa mise en scène sobre lui permet de s’effacer derrière les comédiens pour mieux les servir. A commencer par lui-même, très touchant et juste dans la peau du père dévasté. A ses côtés, Jennifer Connelly (Un homme d’exception) et Dakota Fanning (la saga Twilight) sont très convaincantes dans leur rôle respectif. Ewan McGregor parvient également à éviter tout manichéisme aussi bien dans le traitement des membres de la famille de Seymour Levov que dans celui des tensions socio-politiques.
Au-delà de son ancrage historique qui entre inexorablement en résonance avec notre actualité sombre, Pastorale américaine nous laisse également une poignée de questions morales bien dans l’air du temps. Peut-on encore aimer son enfant quand celui-ci a commis un acte de violence inouï ? Doit-on chercher la faille dans l’éducation qui lui a été transmise ? A-t-on le droit de renier son enfant ? Est-il possible de continuer une vie normale avec sur la conscience des actes irréparables ?