Scénario & dessin : Laureline Mattiussi
Édition : Dargaud
Sortie : 24 août 2016
Genre : Franco-belge
Inspiré des nouvelles de l’auteur argentin Carlos Salem, Je viens de m’échapper du ciel plonge le lecteur dans un univers bien particulier, à savoir celui de Poe.
Pauvre baroudeur en quête de sens, Poe nous fait vivre l’ambiance des bars sordides qu’il côtoie et celle des braquages foireux auxquels il participe avec son acolyte le très singulier Harly. Cette atmosphère tout droit sortie du genre noir est d’autant plus accentuée par la maîtrise que possède Mattiussi du noir et blanc parfait, sans nuance de gris aucune, et par son cadrage très cinématographique. Mais si cette œuvre semble se caractériser par son parfum wilderien, Je viens de m’échapper du ciel est aussi une BD à la fois très ironique et contemporaine, avec des références comme Terminator 2.
Perdu dans des fonds de verre, Poe rêve de se laisser emporter par les courbes voluptueuses de Lola, la jolie serveuse. Cette représentation sulfureuse de la femme fatale, inaccessible derrière son comptoir, est présente tout le long de la bande-dessinée. C’est d’ailleurs Lola qui dicte certains de ses actes à Poe. Encore une fois, cette image bien spécifique de l’amour ou, en tout cas, de l’attraction physique, concorde parfaitement avec cet univers de petit voyou que dépeint l’auteur.
Mais toute l’étrangeté et l’originalité de Je viens de m’échapper du ciel relève de son coté fantasmagorique. Hanté par des anges déchus et des personnages oniriques, notre pathétique héros ne sait plus où donner de la tête. Le titre est d’ailleurs très annonciateur, tout comme les premières scènes dans lesquelles on découvre Poe couché au milieu d’une forêt éclairée par une demi-lune. Ce coté irréel que possède Je viens de m’échapper du ciel est d’autant plus marqué par la présence de celui que Poe appelle Mon Fou. Ce personnage énigmatique avec ses longs cheveux et ses habits d’enfants n’est en fait qu’une allégorie de la folie qui semble toucher Poe et une manière poétique d’évoquer la schizophrénie.
En ce qui concerne la mise en page, elle contribue à souligner l’atmosphère souhaitée par l’auteur. La bande-dessinée est subdivisée en parties qui sont à la fois très indépendantes et à la fois toutes interconnectées. A travers les différents chapitres, Mattiussi aborde, en effet, de manière systématique certains sujets tel que la mort, le sexe ou encore le besoin de s’échapper évoqué par les routes et la mer, ceux-ci représentent le fil rouge de l’oeuvre. Les pages sont structurées de manière unique, très aérées avec de grandes cases sans trop de dialogue, ce qui se marie également très bien au déroulement de l’histoire.
Je viens de m’échapper du ciel est typiquement ce genre de bande-dessinée dont la construction est tellement riche et l’histoire tellement extravagante qu’il est difficile d’appréhender toutes les subtilités de celle-ci dès la première lecture et qu’il est même impossible d’en avoir une interprétation unique.