À l’occasion de la sortie de La Folle Histoire de Max et Léon, rencontre avec le Palmashow, duo d’humoriste qui s’est fait connaître sur internet avant de réaliser des émissions pour D8, composé de Grégoire Ludig et David Marsais. Co-scénaristes et acteurs principaux du long-métrage, ils se voient adjoindre pour cette interview les services d’Alice Vial, actrice principale du film.
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Le long-métrage
Il est assez rare de voir une comédie d’époque. Comment est né le projet ?
David Marsais : Ce n’était pas si rare que ça, il y a encore vingt ans. Quand nous étions jeunes, nous adorions les films fédérateurs comme La Septième Compagnie, où La Grande Vadrouille, et nous nous sommes dit qu’il y avait sans doute matière à raconter quelque chose d’un peu plus moderne que ce qui avait déjà été fait.
D’où le message de tolérance du film, qu’on peut facilement relier à l’actualité ?
David Marsais : En fait, quand nous avons commencé à écrire, il n’y avait pas encore eu tous les évènements tragiques que l’on connaît. Nous avons terminé l’écriture à peu près au moment de l’attaque à Charlie hebdo. Néanmoins, il y avait déjà des tensions. Je pense que nous sommes une génération qui ne se retrouve pas forcément dans un engagement politique, qui ne s’engage pas spécialement pour des causes, ou qui en a marre, tout simplement, et qui regarde le communautarisme d’un œil sans doute plus humaniste. Nous avons donné à Max et Léon, les deux héros du film, un petit côté naïf, qui fait qu’ils ne sont jamais dans le calcul et ont donc des réactions souvent bienveillantes, et assez justes. Bon, ils ont aussi un côté gueulard et franchouillard, qui nous plaît beaucoup. Je pense qu’à travers ces personnages, il y a un petit reflet de la société française. D’autant plus qu’ils sont alcooliques ! (rires)
Grégoire Ludig : Comme les Belges ! Il n’y a pas de raison ! (rires)
Pourquoi la construction sous forme narrée ?
David Marsais : Ce choix est motivé par plusieurs éléments. Nous avions fait des sketches, qui s’appellent les Comment s’écrit…, ou nous sommes narrateurs, et nous avons voulu en faire l’inverse en quelque sorte, en ajoutant la présence de spectateurs. C’est également un petit artifice, pour apporter un peu plus de crédibilité à certains évènements, par exemple, le passage de la Syrie à la prison. Ensuite, ça permet aussi de créer certains petits moments foufous, comme la scène de comédie musicale.
Grégoire Ludig : Cela nous a donné la liberté de raconter ce que l’on voulait. Vu qu’il s’agit de l’histoire de Max et Léon, ils peuvent se permettre de parler de tout et de n’importe quoi. Et ce, en évitant la fameuse scène flic-flac, à savoir celle où l’on regarde sa montre. (rires)
Les personnages féminins
Alice, comment avez-vous intégré le casting ?
Alice Vial : En passant des essais, tout simplement. J’ai tout de suite adoré le scénario, pour sa modernité, sa précision et son ambition.
Avez-vous modifié votre personnage ?
Alice Vial : Non, tout était déjà écrit et je ne voulais pas toucher au texte. J’aime beaucoup ce personnage, qui est un peu guerrier, courageux, élevé par des hommes, mais qui présente aussi un petit grain de folie. Elle déborde tout le temps. Elle ne sait pas vraiment contrôler ses émotions. J’adore cet espèce de malaise duquel émane sa fantaisie.
Grégoire Ludig : Ce que l’on a apprécié dans l’écriture de ce personnage, c’est qu’il s’agit avant tout d’une femme. D’habitude, elle sait totalement comment rembarrer les hommes, et là, elle tombe sur un grand con, qui ne lui déplaît pourtant pas. Je pense qu’Alice a réussi à trouver la teinte à la fois sexy et nerveuse qu’on souhaitait lui donner.
David Marsais : C’était un peu l’idée pour tous les personnages féminins du film. Ce sont les seules qui tuent et se servent de leurs armes. Il n’y avait pas de volonté féministe derrière ce fait, mais nous voulions faire la part belle aux femmes, vu qu’il y en a peu dans le film.
Grégoire Ludig : À la fin du film, Il y a la phrase de Bernard [Farcy], qui dit qu’elles vont toutes nous buter…
Tous trois, en chœur : les gonzesses ! (rires)
Grégoire Ludig : Cette phrase a un double niveau de lecture. Du fait du personnage, elle sonne beauf gratos, mais elle souligne aussi que, sans les gonzesses, il ne se passe rien.
Alice Vial : Vu que la Seconde Guerre mondiale a réellement aidé à l’émancipation des femmes, ça crée également un lien avec la suite historique des évènements.
Retour sur quelques scènes du film
Dans le film, il y a une chanson…
David Marsais : À un moment donné, nous avions envisagé une véritable évasion, mais c’était trop compliqué. Nous nous sommes donc dit : « allez, ils s’échappent et ils font une comédie musicale ! » (rires)
Grégoire Ludig : Nous avions écrit une trop grosse scène, beaucoup trop ambitieuse. Sachant que dans le cahier des charges nous avions décidé de mettre de la musique, vu que nous adorons ça, il était obligatoire de créer une chanson.
David Marsais : Et de parler des Français ! (rires)
Il y a également le fameux passage obligé où les héros s’embrouillent entre eux. Sauf qu’ici, cela se règle très vite. Pourquoi ?
David Marsais : À l’inverse d’un buddy movie classique, où les personnages se détestent au départ avant de finir par s’entraider, ici on considère les deux héros comme un seul. C’est pour cette raison que Jonathan [Barré, le réalisateur] nous a toujours mis ensemble dans le cadre, Grégoire et moi. Cette fameuse scène est le seul moment du film où nous sommes séparés, en champ/contre-champ, histoire de bien marquer la confrontation. Mais ces deux gars ne peuvent pas vivre l’un sans l’autre. C’est pour cela qu’à la fin, sans spoiler, le but sera de se séparer pour pouvoir réussir.
Grégoire Ludig : Il y avait aussi l’envie de ne pas tomber dans le cliché classique de l’engueulade. On sait très bien qu’ils finissent toujours tous par se réconcilier. Chez nous, ils réfléchissent deux secondes puis se disent que l’un sans l’autre ça ne pourra pas fonctionner.
Alice Vial : Surtout que cela remplit bien son rôle, d’un niveau comique, alors que si l’on avait attendu, ça aurait pu ne pas fonctionner…
David Marsais : Nous avions commencé à développer une scène au cours de laquelle chacun tentait de s’évader de son côté, mais nous nous sommes très vite dit que ce n’était pas logique. Les deux gars font tout ensemble. Ils vivent ensemble, ils dorment dans la même chambre… Ils ne pouvaient pas tenter de s’évader l’un sans l’autre.
Comment est née la scène du cabaret ?
Grégoire Ludig : Elle a plusieurs raisons d’exister. D’une, on peut y remarquer le chanteur Olivier Martin-Salvan, qui, avant d’être mon cousin, est un comédien de théâtre génialissime.
David Marsais : Nommé aux Molières tous les ans, ce mec !
Grégoire Ludig : Ensuite, nous nous sommes imaginé cette scène en nous demandant l’endroit le plus inattendu dans lequel pourraient débarquer nos personnages en pleine journée. Ce n’est pas une moquerie du monde gay, au contraire, c’est un moyen de placer à nouveau les héros dans un milieu qu’ils ne comprennent pas et de leur faire se dire « tiens, pourquoi pas ». Ça leur apporte une richesse, tout au long du film. C’est très largement inspiré de Police Academy, quand les héros arrivent dans le Blue Oyster Bar, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, en espérant se planquer. La gêne provoquée par le fait qu’il s’agisse d’un bar gay est très très drôle.
David Marsais : Nos héros ne sont jamais sortis de chez eux et ont donc des aprioris constants qui vont peu à peu se briser. Lorsqu’ils arrivent dans le cabaret, ils ont peur, puis finissent par se retrouver dans une chenille, à boire du champagne et à s’amuser. À la base, ils sont ignorants, et plus ils avancent, plus ils font des découvertes qui mettent à jour leur bienveillance.
Les caméos
Dans le film, il y a beaucoup de caméos…
Grégoire Ludig : Il y a même caméo-livier ! (rires)
David Marsais : Excellent ! (rires)
Grégoire Ludig : Elle est bonne celle-là ? Je ne suis pas sûr… Pardon ! (rires)
… comment avez-vous réussi à trouver l’équilibre ?
David Marsais : Tout est venu dès l’écriture. Vu qu’il s’agit d’un road-trip empli de rencontres, il fallait que chaque nouveau personnage soit très marquant.
Grégoire Ludig : Surtout, nous avons pensé « personnages » avant de penser « guests ». Il fallait qu’ils aient tous leur identité et qu’ils participent tous à la construction du film. C’est après qu’on a choisi des gens, en fonction de comment ils pourraient les interpréter. Le but n’était pas du tout d’avoir des noms qui claquent sur l’affiche !
David Marsais : C’est pour ça que nous avons justement fait appel aux comédiens que nous avons choisi. Ils sont venus pour servir le film, et pas leur image. Certains ne venaient que pour une phrase, mais ils venaient pour cette phrase en particulier, et non pas pour essayer d’avoir des lignes de dialogue en plus. Nous étions ouverts aux propositions, mais la plupart ont compris ce que nous cherchions à faire.
Christophe Lambert
On retrouve notamment Christophe Lambert. Comment l’avez-vous rencontré ?
Grégoire Ludig : C’est un peu original…
David Marsais : Très original !
Grégoire Ludig : Nous sommes très fiers de cette histoire. Christophe Lambert a vu ce que nous faisions sur internet, vu que c’est « intéresse-à-tout-man » et qu’il est très curieux. Il a réussi à trouver le numéro de téléphone de Jonathan [Barré, réalisateur du film et de nombreux sketches du Palmashow] et l’a appelé en disant vouloir le rencontrer.
Grégoire Ludig : Rendez-vous a donc été pris. La veille, Jonathan, David et moi, qui dormions tous les trois ensemble, n’avons pas réussi à fermer l’œil, tellement nous étions excités par la bizarrerie de ce rendez-vous. Au final, nous avons découvert quelqu’un de très ouvert, de très gentil, et de très généreux. Après une heure à se marrer avec lui, il nous a proposé de monter notre propre boîte de production…
David Marsais : Pour que notre travail ne soit pas dénaturé.
Grégoire Ludig : Nous sommes donc partis avec lui, il y a déjà un bout de temps, et nous l’avons invité sur quelques sketches et dans le film. C’est de lui que découle la création de Blagbuster.
La suite du Palmashow
Vous êtes retournés aux sketches dès la fin du tournage…
Grégoire Ludig : Oui, nous avons fait une émission [diffusée le 4 octobre]. Une fois le film fini, on s’est dit : « Eh, David ! T’as pas envie de refaire des sketches ? ».
David Marsais : « Oh, oui, allez, viens on en réécrit ! »
Grégoire Ludig : Ça va plus vite que la machine du cinéma. Il y a moins de décors, moins de costumes… Nous avions envie de ça.
David Marsais : Nous avions les idées, aussi !
Grégoire Ludig : Et l’envie de se marrer ! Nous avons donc une heure et demie de sketches inédits.
C’est donc plus dans cette direction qu’il faudra chercher l’avenir du Palmashow ?
Les deux, en chœur : Il n’y a pas d’avenir précis du Palmashow.
Grégoire Ludig : Si l’envie nous prend de faire des sketches, nous en ferons. Si l’idée d’un nouveau film arrive, il se fera. Si nous n’avons pas d’idées pendant deux-trois ans, nous ne ferons rien. Il n’y a pas de futur précis, mais il n’y a pas non plus de séparation. En France, on a l’habitude de dire « ça y est, vous faites un film, donc maintenant les sketches, c’est fini », ou « ça fait longtemps qu’on ne vous a pas vu, ça y est, c’est terminé ? ». Non. La seule bonne réponse, à mon avis, est que nous faisons ce que nous aimons et ce que nous voulons, sans aucune prétention. Tant que nous aurons des idées qui nous font rire avec David, nous les ferons !
Un dernier mot ?
David Marsais : Allez voir le film ! Le deux novembre ! (rires)
Grégoire Ludig : C’est une aventure d’hier et d’aujourd’hui. Nous pouvons dire avec humilité que nous en sommes très fiers. Nous remercions tout le monde. Dont Alice, dont la présence nous honore.
Alice Vial : Merci !
David Marsais : Et aussi la Belgique ! Nous y avons passé un mois et demi pour le tournage. Merci pour l’accueil…
Grégoire Ludig : Pour la Chimay blanche…
David Marsais : Pour la sympathie…
Grégoire Ludig : Pour la Chimay bleue…
David Marsais : Ah oui, merci pour la Chimay bleue ! (rires)