Parmi tous les artistes de ce que l’on qualifiait à une certaine époque « La nouvelle vague de la chanson française », Vincent Delerm semble être celui qui a le mieux tiré son épingle du jeu : Bénabar et Cali semblent avoir fini par s’essouffler légèrement ; Carla Bruni, après un excellent premier album, a sombré dans la banalité avant de comprendre qu’il serait préférable de « changer de carrière » et Sanseverino a également connu un léger passage à vide avant de revenir en force avec l’excellent Papillon l’année dernière. Nous pourrions ainsi multiplier les exemples et peu de ces artistes sont parvenus à maintenir une certaine constance dans leur œuvre.
Au contraire, la production de Vincent Delerm n’a fait que s’affirmer, s’affiner avec le temps, devenant contre toute attente meilleure d’un disque à l’autre. Lors de la sortie de son premier album en 2002, il était déjà possible de percevoir quelques qualités certaines dans le travail de cet artiste, mais l’on pointait surtout du doigt la voix mollassonne, peu enjouée, les textes très intellectuels, et Delerm fut vite catalogué comme chanteur bobo.
Lors de la sortie en 2006 du single Sous les avalanches dans lequel on pouvait voir Jean Rochefort se trémousser, le chanteur surprenait en cassant cette image afin de livrer un morceau (et, par la même occasion, un disque) plus facilement abordable et doté d’une production plus riche que ses prédécesseurs. Sept ans plus tard, il reproduisait la surprise en sortant Les amants parallèles, sorte de concept-album bien différent de ce qu’il avait pu faire auparavant. Le chanteur semble dès lors se recréer tous les deux albums et c’est ainsi que, à l’instar de Kensington Square (2004) qui semblait être le pendant de Vincent Delerm (2002), ou Quinze chansons (2008) qui s’inscrivait dans la même dynamique que Les piqûres d’araignée (2006), l’artiste sort aujourd’hui À présent, un album à la tonalité et à la qualité fort semblable à son prédécesseur, Les amants parallèles (2013).
Fidèle à ses habitudes, ce nouvel album est parcouru de références littéraires et cinématographiques, à commencer par le premier morceau, La vie devant soi, clin d’œil au célèbre roman éponyme de Romain Gary. La part belle est encore faite au cinéma avec Êtes-vous heureux ? qui reprend un passage du film Chronique d’un été de Jean Rouch et Edgar Morin.
Autour de cela viennent graviter divers artistes, à commencer par Virginie Aussiètre qui, depuis son apparition en 2008 sur le morceau From a Room hommage à Leonard Cohen, continue de poser sa voix calme et délicate sur les textes du chanteur.
Enfin, Benjamin Biolay fait également une brève apparition sur le morceau Les chanteurs sont tous les mêmes et l’on entend encore la voix de Jane Birkin résonner dans les derniers temps de Dans le décor.
Ce nouveau disque aux forts accents autobiographiques (notamment les superbes morceaux Danser sur la table et Je suis le garçon qui sont de pures merveilles !) ravira les afficionados du chanteur et convaincra probablement les plus réticents de tendre l’oreille.
Au final, Vincent Delerm livre ici un album extraordinaire dont on ne peut que déplorer la courte durée (34 minutes). Un album qui vaut assurément le détour !