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    La sexualité selon Mette Ingvartsen au Kaaitheater : 7 pleasures

    Une des missions de Mette Ingvartsen est d’explorer la sexualité sous toutes ses formes, sans tabous. C’est justement la trilogie The Red Pieces que le Kaaiteater programme en cette fin d’année. The Red Pieces est un triptyque comprenant une performance solo (69 positions), 12h de débats, conférences ou même de la cuisine (The Permeable Stage) et enfin, 7 pleasures. Ce segment se démarque des deux autres par sa distance frontale sur une scène, là ou les performances se mêlaient à la foule. Ingvartsen installe donc une distance avec le public, distance qu’elle tentera tout de même de balayer durant toute la représentation. Tentons de décortiquer le message et la qualité de ce que l’on a vu ce vendredi 7 octobre, hormis des corps nus, comme le montre la photo de couverture.

    C’est dans une salle pleine que nous pénétrons, au rythme régulier de percussions agressant légèrement nos sens et plongeant le spectateur dans l’ambiance adéquate pour découvrir ce qu’il va suivre. Le public est à peine installé et a juste eu le temps de contempler un décor banal parsemé de divers objets de la vie quotidienne que la barrière entre la scène et le public se casse déjà. Ingvartsen confronte les spectateurs à la nudité, symbolisant d’entrée de jeu que les artistes, se déshabillant doucement au milieu de la salle, sont pareils que tout un chacun, permettant de désacraliser le tabou du corps nu.

    Ce n’est que quand ils rejoignent la scène que les lumières s’estompent et que les puissantes percussions se taisent. Alors la barrière de l’art se réinstalle. Le contraste des longues minutes qui suivent est saisissant : un silence total et une lenteur de mouvements. Les différents corps entremêlés se meuvent tel une vague qui explore le plateau de jeu avant que chacun ne vogue vers ses diverses inspirations. Pourtant c’est le calme avant la tempête car ensuite tout se met en branle et les différentes performances symbolisent la sexualité humaine : frottements des corps, utilisations des objets du quotidien, etc. Jusqu’à un final plus agressif ou certains s’habilleront et d’autres resteront nus, à la merci des premiers. Le malaise est latent devant une débauche de rapports dominants-dominés où la recherche de plaisir peut à tout moment basculer vers la violence. S’attirant tous les uns et les autres, ces rapports deviennent interchangeables, les vêtements sont partagés et l’équilibre se rétablit.

    Au final, si tout parait au départ chaotique et anarchique, tout prend son sens au fur et à mesure et permet au public de ressentir suivant son vécu ou ses envies, les différentes possibilités proposée par Ingvartsen. Il n’est pas rare de laisser aller son regard aux quatre coins de la scène vers ce qui attire le plus. En ce sens, la mission de la chorégraphe est remplie, dans 7 pleasures elle arrive à parler sans tabous de sexe grâce à un spectacle de qualité où les danseurs font preuve d’une maîtrise impeccable de leur art et à une beauté visuelle et sonore sans faille. Mais comme pour 69 positions, il faut être prêt à affronter une prestation hors des cadres habituels et arriver à saisir les clés d’un langage difficile d’accès. Des clés qui perdront malheureusement une partie du public.

    (merci à Mélanie pour m’avoir aidé à saisir les clés servant à décoder le message que veut livrer Ingvartsen)

    Loïc Smars
    Loïc Smarshttp://www.lesuricate.org
    Fondateur, rédacteur en chef et responsable scènes du Suricate Magazine

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