auteur : Eric Vuillard
édition : Actes Sud
sortie : août 2016
genre : histoire
Et si la prise de la Bastille n’avait été que le fait d’un citoyen ne connaissant rien au canon qu’il vient de voler et qui déclenche les hostilités par erreur en ayant allumé sa mèche avec une planche ? Ce premier coup de canon est parti juste avant que le maire de la ville de Paris n’annonce à ses soldats de ne surtout pas tirer sur la foule. Mais le peuple, possédant maintenant tous les canons que contenaient les réserves de la ville, cette populace parisienne avide de sang autant que de liberté, étourdie et échauffée par un soleil brûlant avec la faim qui tenaillait leurs entrailles, ne pouvait que commettre l’irréparable. Et, ce coup de canon involontaire mit, littéralement, le feu aux poudres.
Si ce malheureux incident ne s’était pas produit, la prise de la Bastille qui mena à la Révolution française aurait-elle eut lieu ? On répondra bien sûr par l’affirmative. Le feu couvait depuis longtemps déjà et la révolte grondait dans les petits villages même les plus éloignés. La foule présente ce jour-là à Paris était composée de plusieurs centaines de milliers d’âmes enfiévrées par la canicule et crevant de faim : elle ne pouvait qu’obtenir ce qu’elle désirait. Un mouvement d’hommes comme on en avait jamais vu et qui ne s’était encore jamais produit.
Eric Vuillard nous emmène au cœur de cette incroyable journée du 14 juillet 1789. Il se place délibérément du côté des petites gens et a effectué de nombreuses recherches dans des registres très incomplets ne donnant que peu d’informations, à peine quelques noms suivi de la ville de résidence et de la profession lorsque l’on a de la chance. Petite précision: seules trois femmes y sont mentionnées, noyées dans la masse, alors que des milliers d’entre elles étaient présentes, prouvant encore une fois que s’il ne s’agit pas de personnes de haut rang ayant accès à l’éducation et pouvant consigner les événements, les données sur lesquelles peuvent se fonder les hypothèses demeurent restreintes. L’auteur revit la journée, il l’imagine, il crée des rencontres pour étayer ses suppositions et de petits événements qui auront de grandes conséquences. Les faits ont évidemment eut lieu mais il faut beaucoup d’imagination et d’ingéniosité pour recouper tous ces témoignages et reconstruire une histoire qui, si elle n’est pas à 100% véridique – puisqu’on on ne peut pas la prouver – n’en reste pas moins très vraisemblable.
Tout l’intérêt de 14 juillet réside dans le fait que nous sommes à mille lieues du roman historique classique. Nous qui avons l’habitude de lire l’Histoire des grands personnages qui l’ont construite, parce que c’est celle qui est la mieux documentée, ne devrions pas oublier que ce sont nos ancêtres, « ces petites gens », qui ont façonné la nôtre.