Eternité
de Tran Anh Hung
Drame
Avec Audrey Tautou, Bérénice Bejo, Mélanie Laurent
Sorti le 14 septembre 2016
Très pictural, Eternité ne dérobe pas au cinéma utopiquement délicat auquel Tran Anh Hung nous a habitué. Eternité, c’est l’histoire de l’humanité : Trois générations de femmes racontées à travers leurs descendances. Des images douces, baignées d’un soleil tiède de fin d’après-midi ; Des embrassades sincères décomposées, des gestuelles tendres, contrôlées. Et des sentiments, beaucoup de sentiments mais toujours sous le prisme d’une perception douce de l’échange, dans la beauté du respect de l’autre. Dans une interview, Berenice Bejo, faisant partie du trio principal aux côtés d’Audrey Tautou et Melanie Laurent, parle, à juste titre, d’un film puzzle où des tableaux s’enchaineraient pour créer la scène d’une vie, finalement, d’un éternel recommencement.
L’élégance des veuves, oeuvre littéraire d’Alice Ferney dont est tiré Eternité, expose une dimension plus profonde des nuances de la force déployée par ces femmes que la petite éloge à l’amour maternel de Tran Anh Hung ne fait que survoler par l’enchainement de la tragédie. Dans le bleu limpide de l’eau claire, même la mort est belle. Comme si le réalisateur ne se dérobait pas à la règle, « qu’il n’était pas comme elle, une chair capable de s’emplir et de créer » ; la mort est visuelle mais que représente-t-elle en comparaison de la souffrance que s’infligent ses femmes dans une volonté de respecter une éducation endoctrinée. « « Dieu ne nous a pas créé pour être inutile », telle était la devise des femmes de cette famille. ».
Et comme retenue par la pudeur d’un homme, la chronique serpente par delà le récit et les mots, peut-être crus, d’une femme : « Huit enfants de la souffrance, car Valentine connaissait des grossesses difficiles et des accouchements incertains : son corps, si étroit, n’était pas fait, comme Dieu pourtant semblait le vouloir, pour porter des enfants ». Des souffrances émancipées du récit d’Eternité et qui semblent témoigner de l’admiration pudique que porte le réalisateur sur les mères déjà exploitées dans L’odeur de la papaye verte, caméra d’or à Cannes en 1993. Une admiration profondément belle, aussi pure que celle d’un enfant qu’il est peut-être encore.
Il faudra aussi omettre beaucoup de principes acquis de la femme pour apprécier les nuances de cette version poétiquement « à la française » de The Three of Life réalisé par Terrence Malick, auquel l’affiche fait indéniablement écho. Oublier le combat des femmes pour leurs droits, leurs aspirations et leurs révoltes et se concentrer sur leur tunique de Nessus, le pouvoir du miracle de la vie. Et finalement, Eternité met en lumière cette divergence indubitable exposée à travers L’élégance des veuves, en déposant sur les images d’un homme, les mots et les maux de(s) la femme.