Samedi 17 mai, le Muziekodroom de Hasselt avait accueilli deux légendes vivantes du Heavy Metal : Gus G. (guitariste de Firewind et Ozzy Osbourne) et Marty Friedman (ex-Megadeth qui poursuit sa carrière solo depuis son départ du groupe).
Le public, fait essentiellement de connaisseurs, avait été très enthousiaste lors de cette soirée mémorable où les deux guitaristes avaient livré chacun un show incroyable !
Nous les avons retrouvé en backstage après le concert pour discuter de leurs carrières respectives et de leur nouvel album.
En effet, Marty Friedman vient de sortir Inferno, son douzième album solo. Gus G., quant à lui, vient de sortir son premier album solo intitulé I Am The Fire.
Bonjour,
Merci à vous de nous octroyer cet interview !
Je souhaiterais commencer par Gus G. Quand t’es venue l’idée de faire un album solo ? Et comment s’est passé cette première expérience ?
Ça a commencé en 2012, en fait. J’avais différents riffs qui rentraient plutôt dans une catégorie « hard-rock » que « metal ». Et ces riffs n’auraient pu fonctionner dans Firewind. Donc, j’ai commencé à travailler avec Mats Leven (qui chante sur quatre chansons sur ce disque.)
Rapidement, nous avons bouclé 4 ou 5 chansons. Et quand celles-ci furent prêtes, je me suis dit : « Ok, voilà la direction que je veux prendre. Ces chansons pourraient se trouver sur un album solo ».
Est-ce que tu connaissais Mats depuis longtemps ?
Je l’ai rencontré en 2003 lors d’un festival en Suède où il jouait également. Je suis fan de ce gars depuis que je l’ai entendu sur l’album Facing The Animal de Yngwie Malmsteen. Donc on s’est vu là-bas et on a passé un très bon moment. On est devenus potes au fil des ans et avons jammé ensemble à diverses occasions.
On est toujours restés en contact. C’est vraiment la personne avec qui j’ai toujours voulu travailler.
Et en 2010 ; je lui ai demandé de rejoindre Firewind lors d’une tournée pour remplacer notre chanteur qui ne pouvait venir à ce moment-là.
Mats a l’avantage d’être non seulement un excellent chanteur, mais aussi un compositeur et producteur.
Il y a un point commun entre ton album et celui de Marty Friedman, c’est que vous avez collaboré tous les deux avec différents artistes sur vos albums respectifs.
Comment est-ce que cela s’est passé pour chacun d’entre vous ? Comment avez-vous choisi les personnes avec qui vous avez travaillé ?
Gus G. : Pour moi, pour être honnête, beaucoup de ces personnes m’ont été proposées par Jay Ruston (qui s’est occupé du mixage de l’album).
Il m’a présenté quelques amis musiciens car, à l’époque, je n’avais encore choisi personne. Il m’a demandé : « qui va jouer de la batterie ? ». Je lui ai répondu : « je n’en sais rien ! »
C’est alors qu’il me présenta à Jeff Friedl (qui vient de A Perfect Circle) qui est un très bon batteur ! Et Jay continua à me proposer d’autres gens comme Billy Sheehan ou Dave Ellefson (le bassiste de Megadeth et donc ancien collègue de Marty Friedman !)
Marty Friedman : Ah bon ??
G G. : Oui ! Dave Ellefson joue sur l’album ! En fait, c’est arrivé un peu par hasard sous forme d’échange entre musiciens. Il était en train d’enregistrer un album pour son projet avec Frank Bello (le bassiste de Anthrax). Jay m’appela et me demanda si je voulais faire un solo sur cet album avec Dave Ellefson.
J’ai bien sur accepté de suite !
MF : Donc tu as joué sur leur album et eux sont venu jouer sur le tien ?
G G : C’est ça !
MF : C’est tellement simple de faire du Rock n’Roll… (rires)
G G. : Pour moi, cette collaboration était plutôt une espèce d’échange entre frères que l’on ne retrouve plus dans le metal de nos jours. Donc j’étais content de le faire pour cette raison. J’ai fait le même avec Jeff Scott Soto. Il est venu jouer sur mon album et j’ai également joué quelques titres sur le sien.
Venons-en à toi, Marty. Comment se sont passé ces collaborations ?
MF : Avant de faire cet album, j’ai établi une liste de musiciens actuels qui avaient dit des choses positives à mon sujet dans la presse. Je n’ai plus lu la presse venant de l’extérieur depuis longtemps. Du coup, je ne savais pas ce qu’il se passait en dehors du Japon. Tous ces gens ont dit tellement de choses magnifiques à mon sujet que je pouvais à peine y croire ! Je pensais que tout le monde m’avait oublié. Donc c’était très chouette !
J’ai donc commencé à chercher ces gens et à écouter leur musique. Et beaucoup de choses m’ont beaucoup plu.
Je les ai donc contacté et ils étaient très enthousiastes à l’idée de cette collaboration. A partir de cet instant, je ne voulais plus faire un simple album solo. Je voulais partir de zéro et écrire avec chaque invité.
Vous avez donc écrit ensemble ?
Oui, nous avons écrit les chansons ensemble. Ensuite je les ai arrangées, produites et joué de la guitare. C’était plus comme si je faisais partie d’un groupe avec ces invités.
Cet album est très différent de ce que tu as fait par le passé. C’est plus heavy et surprenant par moment. Je pense qu’il occupera une place particulière dans ta discographie à l’avenir.
Oui, j’ai voulu mettre un nouveau point de repère dans mon travail pour donner la possibilité aux public de comparer ce que je fais d’une manière différente. Tout le monde compare toujours ce que je fais par rapport aux mêmes choses du passé (en référence à Megadeth bien sûr). Et j’en avais marre de ça.
Mais il faut aussi remarquer que ton jeu a changé au fil du temps…
Oui, mais tu sais, mon jeu change chaque jour. Hier, j’étais en Hollande et il était différent d’aujourd’hui.
Bien sûr, mais je pensais à la période de Cryptic Writings où tu as commencé à insérer des bends un peu bizarres dans tes solos par exemple. Ces solos étaient très différents de ceux que l’on peut trouver sur Rust In Peace par exemple.
Oui, mais tu sais, chaque album est différent. Si tu es guitariste, tu remarqueras très vite que le fait de lier certaines notes ou de les espacer davantage est le principal changement que tu peux opérer. C’est comme cela que tu peux sonner différemment des autres guitaristes. Je pense sans cesse à cela quand je joue d’anciens morceaux.
G G. : En effet, ce que tu dis là est très important pour changer ton phrasé.
MF : Tous les gars que je connais dans le metal jouent de façon très carrée. Et heureusement, quand j’étais ado, j’ai trouvé cette façon plus cool de placer les notes. Tu peux ainsi t’aventurer davantage et aller de plus en plus loin à chaque album.
Quand je t’ai vu jouer ce soir en solo, j’ai l’impression que tu prends plus de plaisir sur scène qu’avec Megadeth.
Tout à fait ! Tu sais, les années que j’ai passé avec Megadeth étaient vraiment super. Je ne regrette rien de cette époque. Mais dans un sens, c’était contraignant. Et j’ai toujours eu plus de mal à jouer la musique écrite par d’autres personnes plutôt que la mienne. Maintenant, j’écris et j’interprète les choses à ma façon et c’est plus agréable pour moi.
Revenons à toi, Gus G. I Am The Fire est ton premier album solo. Te souviens-tu du premier album solo de Marty ? Qu’est-ce que tu as ressenti avec celui-ci ?
Tu sais, j’ai grandi avec notamment ses albums solo. Dragon’s Kiss étaient de ceux qui ont mis la barre encore plus haut à l’époque. Je ne sais ce que fut pour lui cette expérience, mais pour moi, le fait de faire un album solo, c’était surtout être impliqué dans autre chose. Cela fait 10 ans que je suis dans Firewind et ça reste mon bébé mais ici, je voulais développer quelque partenariats.
Et en studio, ce fut aussi une très bonne expérience car je n’avais pas à montrer ce que je jouais à un quelconque producteur ni qui que ce soit d’autre.
Je n’ai pas eu besoin d’engager un producteur. Souvent, les producteur veulent te faire faire l’album qu’ils auraient voulu faire eux-mêmes. Et ils ne sont pas souvent au service de l’artiste. Il pensent mieux savoir que l’artiste ce qui est bon pour lui.
Qu’en est-il de toi, Marty?
Mon premier album solo était bien avant Megadeth. En fait, le premier album de Cacophony était sensé être mon premier album.
En réalité, j’avais déjà écris plus de 80% de l’album avant de rencontrer Jason Becker.
Quand je l’ai rencontré pour la première fois, et que je l’ai écouté jouer, je suis tombé sous le charme immédiatement. Je lui ai dis: « Il faut absolument que je te trouve une place pour jouer sur cet album car il n’y a qu’une manière de le faire, c’est de jouer avec toi et personne d’autre ».
Quand nous avons fait l’album, il n’avait que 16 ans et il avait déjà une dextérité incroyable! Il pouvait jouer et comprendre n’importe quoi. Mais il n’avait pas encore écrit de chouette chanson alors. Donc ce fut un peu difficile au début de faire prendre la sauce. Mais une fois que l’on s’y est vraiment mis, il a surpasser toutes mes espérances.
Donc, voilà ce qui était véritablement mon premier album solo. Du coup, quand Dragon’s Kiss arriva, je n’avais plus de musique puisque j’avais utilisé tout ce que j’avais écris dans l’album de Speed Metal Symphony de Cacophony.
G G.: Donc, si je comprend bien, tu as d’abord fait Speed Metal Symphony, puis, Dragon’s Kiss et enfin Go Off! ?
MF: Oui, mon album solo était entre les deux Cacophony. J’étais très content de faire cet album solo, mais je n’avais rien de prêt et donc j’ai dû me dépêcher à écrire le tout en un minimum de temps.
Dans ton nouvel album, Inferno, tu as de nouveau écrit une chanson avec Jason.. Peux-tu nous parler de cette expérience?
On est restés amis depuis l’expérience de Cacophony. Et il y avait une certaine pression du fait de la difficulté du projet. Je voulais attendre le bon moment et surtout le bon album pour tenter ce genre de choses. De plus je voulais être certain que le fait de lui demander de s’investir en vaille la peine.
Il y a eut un documentaire sur l’histoire de Jason où tu apparais.
Oui et j’ai aussi participé à un concert lui rendant hommage.
G G.: Il y en a eut un autre!
MF: Un autre??
G G: Oui, quelque part à San Francisco, je pense. Tu as fais le premier et j’ai participé au second l’an passé.
Je sais qu’un troisième s’est déroulé en Europe aussi, mais Jason n’avait pu s’y rendre. Il avait envoyé quelqu’un d’autre à sa place pour que cette personne puisse profiter du concert.
MF: Jason est vraiment quelqu’un de super!
Marty, tu as déménagé il y a quelques année au Japon. Peux-tu nous dire comment cela se passe là-bas pour un musicien tel que toi? Est-ce fort différent de la vision américaine?
C’est un endroit bizarre! Ils ont une culture du divertissement en perpétuel mouvement. Quand tu passes en tournée, tout va bien, il ne t’arrive rien de spécial. Mais quand tu y vis, tu est obligé de faire énormément de choses en plus. Tu ne peux te contenter de faire quelques dates. Tu dois participer à des émissions à la télé, etc…. Tu dois faire toujours en sorte de rester occupé. C’est très bon et stimulant. Mais cela fait beaucoup de travail également.
Gus G., est-ce que tu as prévu de faire d’autres albums solo à l’avenir?
J’ai signé pour deux albums. Donc, oui, il y en aura bien un second. Je ne savais pas ce qui allait se passer et j’ai reçu les critiques les plus élogieuses de ma carrière. Donc je pense que je vais continuer dans ce sens.
Tu avais des doutes avec cet album?
Tu sais, quand j’ai commencé ce projet, je ne voulait rien prouver à qui que ce soit. J’ai juste fait cet album parce que j’en ai ressenti le besoin. Je devais mettre cette musique sur un album. C’est très différent de ce à quoi les gens sont habitués. Donc, je ne savais pas vraiment comment il allait être accueilli. En fait, la chose la plus difficile à gérer maintenant c’est mon « Moi ». (rires)
Parlons à présent de ta collaboration avec Ozzy Osbourne. Est-ce que ça a été difficile pour toi de succéder à Zakk Wylde?
Tu sais, c’est un boulot assez rude. Quand tu regardes les noms de ceux qui t’ont précédé (Randy Roads, Zakk Wylde).
Pour moi, le meilleur moyen d’apprivoiser un tel challenge sans trop stresser, c’est d’y aller avec une approche d’amour et de respect pour l’artiste.
Je ne peux remplacer Zakk ou Randy. Ces gars sont des légendes à eux-seuls. Mais tu peux rester toi-même. C’est d’ailleurs ce que m’a conseillé Ozzy.
Il ne voulait pas d’un Zakk n° 2 ou Randy n°3. Il voulait juste entendre Gus. Et, tu peux jouer ces morceaux tels qu’ils sont. Mais tu peux aussi y apporter ta touche personnelle.
MF: Il n’y a pas eut de discussion à propos de la façon d’interpréter les morceaux?
G G: Non, jamais.
MF: Ils t’ont demandé de jouer cela avec du bon sens alors…
G G: Ils aimaient ma façon de faire car j’ai commencé à jouer tout, note par note comme sur le cd ainsi que les solos.
La musique de Ozzy permet toujours de placer ton petit truc çà et là. Mais quand tu joues Crazy Train, tu ne peux pas te planter. Je pense que ce qui l’a séduit, c’était cette attitude de « Ok, j’y vais et je ne me prend pas la tête.
Les chansons de Ozzy font partie de mon vocabulaire du Heavy Metal. Quand tu grandis, tu écoutes Ozzy, Maiden, Priest, Metallica, Megadeth, …
Si tu ne connais pas cela, tu n’es pas vraiment un musicien de Metal.
Comment avez-vous eut l’idée de faire cette tournée ensemble?
MF: Ca fait longtemps que l’on en parle! On voulait juste attendre d’avoir tous les deux un nouvel album en même temps. Et maintenant, l’occasion se présentait.
Nos chemins se sont toujours croisés mais on a jamais eu le temps de travailler ensemble.
G G.: On a tout de même fait des jams ensemble lors d’émissions de télé. Quand Marty est venu en Grèce, je suis monté sur scène le rejoindre et on a joué ensemble quelques morceaux. Il a aussi joué un solo pour Firewind. Mais c’est vrai que cette fois, le timing était parfait!