auteur : Elizabeth Hand
édition : Super 8
sortie : août 2016
genre : thriller
Cass Neary, qui travaille dans la réserve d’une librairie, se remémore avec amertume la période au cours de laquelle elle estimait avoir un tant soit peu de talent en tant que photographe, à l’émergence du mouvement punk. Lorsque l’un de ses amis lui propose d’aller interviewer Aphrodite Kamestos, une artiste qui lui est chère, et qui a demandé à la rencontrer personnellement, Cass n’hésite pas et se rend, pour ce faire, sur une petite île isolée. Hors, à l’image des photographies d’Aphrodite, l’île semble receler de sombres secrets. À commencer par un nombre élevé de disparitions inexpliquées.
Inutile de le nier, les amateurs d’ouvrages policiers menés tambour battant seront désarçonnés face à ce thriller qui présente une enquête reléguée en arrière-plan. Cette dernière se trouve même être assez prévisible, en plus de n’avancer que très lentement.
Il faut dire qu’Images fantômes sait prendre son temps, parfois un peu trop. Cela permet néanmoins au roman d’installer sur la durée une ambiance étrange et non dénuée de charme. Le style détaillé de l’auteur, ainsi que les nombreuses références à de vraies photographes, ancrent le récit dans un réel tangible et apportent, par contraste, un regain d’impact à certaines visions quasi surréalistes qui l’émaillent et lui confèrent une légère touche de fantastique. Les œuvres décrites viennent également appuyer cet état de fait, en laissant de la place à l’imagination du lecteur, parvenant à maintenir son intérêt.
Plus important, le roman d’Elizabeth Hand constitue avant tout le portrait d’une femme attachante, mue par un comportement autodestructeur, marquée par un passé traumatique, et en proie constante à ses démons. C’est à ce niveau qu’Images fantômes se révèle vraiment convaincant, avec ses quelques percées insoupçonnées de violence et un style parfois cru qui n’est pas sans évoquer par moments celui de Gillian Flynn.
À l’image des paysages qu’elle traverse, l’héroïne se montre souvent retorse, voire hostile, mais présente à chaque fois un je ne sais quoi de fascinant. Embué par l’alcool et les drogues consommés à foison, son esprit n’en est pas moins affuté, porté par une vision intéressante qui mêle intimement pulsions créatrices et morbides.
Si l’on ajoute à cela la justesse du traitement de la photographie, il n’en faut pas plus pour faire du livre un roman dépaysant et assez atypique, malgré une fin plutôt classique qu’on aurait espéré un tantinet moins sage.