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    La Colonie de Chris Dolan

    La Colonie

    auteur : Chris Dolan
    édition : Métailié
    sortie : avril 2016
    genre : roman

    1831. Elspeth Baillie est une jeune comédienne, persévérante et passionnée, qui se produit soir après soir sur de modestes scènes écossaises. Une de ces représentations va changer sa vie lorsqu’un riche mécène, Lord Albert Coak, subjugué par son jeu et sa beauté, lui propose de l’accompagner à la Barbade, colonie du Royaume-Uni, et de s’installer sur son domaine, la plantation de cannes à sucre de Northpoint. Commence alors pour la jeune Ecossaise une nouvelle vie pleine de fastes et de luxe qui lui étaient inconnus jusqu’ici. Mais plus que cela, Elspeth peut enfin envisager de voir ses talents d’actrice reconnus à leur juste valeur. Cependant, au fil du temps et des évènements aussi nombreux qu’inattendus sur une île durant le XIXe siècle, la jeune femme devra faire face aux conditions de vie sur une colonie dominée par la race blanche où les principes d’humanité et d’égalité sont mis à mal.

    L’Ecosse et son climat humide, la Barbade et son soleil éclatant…on peut dire qu’on voyage dans le dernier roman de Chris Dolan ! Des grandes traversées en bateaux, des trajets interminables au terme desquels on n’est jamais certain d’être toujours en vie, des longues lettres larmoyantes de ceux qui sont partis à ceux qui restent… Et puis, autre intérêt de ce livre : on s’instruit. La vie dans les exploitations coloniales et le fossé entre les différentes classes sociales sont brillamment abordés.

    On découvre la nouvelle existence d’Elspeth en immigrée mondaine allant de fête en fête qui se terminent bien souvent en parties de touche-pipi générales à celle des esclaves qui essaient de survivre dans leurs minables cahutes du domaine de Lord Coak. Même si au cours de l’histoire, l’affranchissement des esclaves au Royaume-Uni fait ses premiers pas, pour les blancs, la pilule reste difficile à avaler.

    Les personnages sont également remarquables. Tout d’abord Elspeth, qui se découvre des talents de logisticienne, bien loin de ses compétences artistiques initiales, et se révèle organiser le domaine de main de maîtresse. Telle une Scarlett O’Hara barbadienne, en nettement moins emmerdeuse, elle relèvera des défis de taille notamment pour rentabiliser le travail et les conditions de vie sur la plantation quitte à reléguer au second plan ses propres rêves. Ensuite le capitaine Shaw, contremaître de l’exploitation. C’est l’homme viril et intransigeant de l’histoire, plein de muscles, plein de vigueur, plein de détermination. Un gros macho, cela va de soi dans une colonie où la majorité des travailleurs sont des travailleuses. A l’inverse, Lord Coak aurait eu du mal à prétendre à ce rôle étant le papy de service aux préférences sexuelles douteuses pour qui le Viagra aurait été salutaire. Homme de goût bien plus raffiné, il représente le dernier lien entre Elspeth et le théâtre, cher à ses yeux.

    Sans oublier les nombreux personnages secondaires qui donnent beaucoup de piment au récit. Principalement des esclaves et des travailleurs écossais. Tous se retrouvent déracinés et sont considérés comme du cheptel à manipuler de façon la plus optimale pour assurer une descendance robuste capable de continuer le travail harassant aux champs. Même si les maîtres de La colonie sont loin d’être les personnages les plus ignobles de l’histoire de la littérature – bien qu’on assiste à une séance de châtiment scatologique tout à fait abject – le racisme et le dénigrement des classes inférieures sont profondément et naturellement ancrées dans les mentalités de l’époque.

    Quant au texte en lui-même, un vrai plaisir par sa belle écriture. La traduction de Céline Schwaller est également à souligner. Une lecture à haute voix s’impose de temps à autre lorsque les esclaves s’expriment à la manière de l’irritante petite domestique d’Autant en emporte le vent. Un texte agréable mais aussi riche en rebondissements. A travers la grande Histoire, des tranches de vie quotidienne permettent au lecteur de s’imprégner de l’ambiance magnifiquement rendue de la vie coloniale.

    La lecture de La Colonie incite à une profonde réflexion sur la mémoire et sur le droit de tous d’être libres et égaux et ce, quelle que soit la couleur de peau, le sexe et la condition sociale. De bien belles paroles à l’heure où si les choses ont évolué sur papier, la réalité est tout autre.

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