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    Le Palais des Beaux-Arts devient le musée de La Boverie

    Il y a peu était inauguré le nouvel espace de La Boverie à Liège et nous l’avions évoqué dans notre rubrique arts-actualités les Métamorphoses de Liège.

    En effet, dans la Cité Ardente, le redéploiement passe aussi par la culture.

    La Boverie est l’oeuvre des architectes Jean-Laurent Hasse et Charles Souvre, œuvre inspirée du Petit Trianon de Versailles et de certains aspects empruntés au Musée Royal de l’Afrique Centrale de Tervueren. Rappelons que le site, qui est une île artificielle, a été le siège de l’Exposition Universelle de 1905. Le Palais des Beaux-Arts s’y est installé ensuite, et demandait une rénovation, le tout devant s’inscrire dans un projet global, au coeur du développement urbain de la métropole liégeoise.

    Près de trente bureaux ou associations d’architectes ont participé au concours lancé par la Ville de Liège, desquels cinq projets ont été retenus. L’association du bureau liégeois p.HD et de l’architecte français Rudy Ricciotti a séduit.

    Si ce projet a été retenu, c’est très certainement du fait de son intervention mesurée, respectueuse du monument et en harmonie avec l’ensemble.

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    Rencontre avec Rudy Ricciotti

    rudy ricciotti

    Pourquoi avez-vous décidé de réaliser La Boverie ?

    Quand je suis arrivé ici j’ai senti l’odeur de l’iode et j’ai vu immédiatement une vision métaphysique de la Méditerranée dans la Meuse. La Meuse était bleu outremer, bleu cobalt …

    Quand je suis ici à Liège, je sens qu’on n’est pas dans un bazar, je sens qu’on est dans une vraie ville, avec de vrais gens, avec un vrai regard, une vraie bienveillance, un vrai rire et un vrai sourire. Donc le travail que je fais traduit cela aussi peut-être !

    Ce bâtiment est-il si particulier que vous l’avez conservé ?

    Construit en 1905, il appartient à la période moderne. C’est un ouvrage maniériste qui est posé sur des fondations structurellement révolutionnaires : les pieux. C’est-à-dire des pieux en béton battu, les pieux Franky. Quand j’ai appris cela, j’ai été stupéfait. Il faut imaginer l’apport à l’art de construire, c’est cela aussi la réalité de cet ouvrage.

    Pas question de le démolir ?

    Au moment du concours, il n’était pas demandé de célébrer le bâtiment parce qu’on pouvait même le raser… Mais raser les anciens, je ne peux pas, je ne prends pas en otage la perspective historique, je ne mets pas les pieds sur la table, ça ne se fait pas dans mon imaginaire chrétien culpabilisé !

    L’idée a été immédiatement de sublimer ce bâtiment, lui donner une énergie nouvelle. Evidemment, l’énergie complémentaire ce sont les infrastructures, il n’y avait pas de sous-sol, alors on a creusé.

    Ce n’est pas le souci de l’extension, mais l’une des façades était murée d’une façon assez énigmatique, ce qui laissait entendre qu’on aurait pu faire une extension. Et effectivement, lorsqu’on a démonté les façades, on s’est aperçu que cela avait été fait en vue d’une future extension. Aujourd’hui, c’est une grande fenêtre vers le visage populaire de la ville de Liège.

    Quelle est votre touche personnelle ?

    Dans tous les bâtiments que je fais, il y a toujours une dimension technologique. Là, ce sont les colonnes. C’est un hommage à la structure cachée de l’ouvrage mais en même temps à la manière de régler l’encastrement, parce qu’on a des colonnes très hautes soumises aux tremblements sismiques… car Liège est en zone sismique. Donc, les colonnes avec évasement au sommet et à la base peuvent prendre les déplacements horizontaux tout en étant stylisées.

    Etiez-vous libre de réaliser tout ce que vous vouliez, et comment vouliez-vous le réaliser ?

    Ma liberté, c’est de célébrer le travail des autres, le travail des anciens.

    Ce n’est pas un projet qui produit une délocalisation des emplois, ce n’est pas un projet qui produit une extériorisation des savoirs : c’est un projet qui travaille avec des ressources territorialisées, localisées qui partage, avec des vrais métiers des maçons, des coffreurs, des boiseurs, des ferrailleurs, des menuisiers… C’est cela aussi le rôle de l’architecture, c’est de partager, d’être une clé de redistribution des richesses territorialisées et pas une clé de redistribution chinoise.

    Que voudriez-vous que les commissaires organisateurs d’expos mettent dans cet endroit ouvert ?

    Je pense que la partie est davantage destinée à recevoir des sculptures.

    L’avez-vous imaginé comme tel ?

    En soi oui, de même que la partie sous la dalle peut aussi être exploitée pour y mettre des sculptures. Car je crois que la ville de Liège a une collection énorme de plâtres.

    Que pensez-vous dès lors de l’utilisation faite par les organisateurs (ndlr : peintures accrochées sur cimaises dans des blocs de bois) ?

    Je ne trouve pas cela brillant. Mais les gens font ce qu’ils veulent je ne suis pas propriétaire. Le musée n’est pas exploité, mais ce ne sont pas les idées qui vont manquer. J’ai vu cela partout, les scénographes martyrisent l’espace comme une conquête de la libido.

    Si vous étiez commissaire d’exposition, quelle aurait été votre scénographie ?

    Des sculptures avec reflets en inox. J’aurais trouvé un tempo… et je ferais une expo de sculptures qui soient réactives à la lumière, avec une mise en lumière nocturne spectaculaire pour que les habitants en face puissent regarder l’exposition avec des jumelles, la nuit. Oui, des sculptures solides brillantes qui reflètent la lumière .

    Mais n’oubliez pas, entre deux expositions, il faut ouvrir de temps en temps le musée au rock’n roll et au bar. C’est comme ça que doit vivre un musée, et pas uniquement avec des estampes et des peintures … le musée est aussi un lieu festif.

    Philippe Chapelle
    Philippe Chapelle
    Journaliste du Suricate Magazine

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