Programmer 45 concerts en cinq jours dans huit lieux différents du centre ville relevait du défi pour cette nouvelle édition du Mithra Jazz à Liège.
Pas évident non plus de faire des choix pour le spectateur qui se voyait face à des concerts de qualité se déroulant en même temps à divers endroits.
Devant tenir compte de cette programmation dispersée, notre choix s’est porté sur la soirée « pianistique » du mercredi 11 mai au Théâtre de Liège alors que, dans le même temps, abération, un autre excellent pianiste, le Français Thomas Enhco, jouait à 100 mètres de là, à la salle académique de l’ULG.
Cette soirée débuta, dans la magnifique salle rénovée mais remplie à moitié, par un très beau concert de Sarah McKenzie; une véritable révélation.
La pianiste-chanteuse australienne démontra ses qualités de musicienne en déclinant une jolie voix douce au timbre feutré.
Reprenant des standards réarrangés ou présentant des compositions personnelles, Sarah McKenzie a proposé une prestation éclectique en passant du quartet au duo piano-contrebasse ou duo chant-guitare ou encore, en laissant,par moments, ses partenaires, à qui elle laissait beaucoup d’espace, jouer en trio.
Il faut préciser qu’elle était superbement entourée par des pointures: le guitariste Jo Caleb, le contrebassiste Pierre Boussaguet et l’excellentissime Greg Hutchinson à la batterie.
Jolie, communicative avec le public et talentueuse, cette artiste mérite bien qu’on s’y intéresse et ce n’est pas un hasard si elle a signé sur le label Impulse.
Le deuxième concert avait lieu dans une seconde salle (tiens donc!) du Théâtre tout aussi accueillante et plus petite. (On peut d’ailleurs se demander où tous les spectateurs de la grande salle auraient pu prendre place si celle-ci avait été préalablement remplie. Soit..).
Ce concert était celui de Igor Gehenot Trio. Le jeune excellent pianiste, dans ce contexte intimiste, nous a régalés en alternant des morceaux lyriques et d’autres plus soutenus.
Igor Gehenot, qui fait preuve à présent de plus d’assurance et d’extériorisation a montré toutes les facettes de son jeu (sensibilité, mélodie, technique) et a prouvé que son trio est bien l’un des plus intéressants du pays.
Celui-ci est bien rodé et empreint d’une belle complicité avec une section rythmique de rêve comprenant « The » contrebassiste Philippe Aerts et le magnifique batteur Teun Verbruggen qui se transforma aussi en percussionniste innovant.
Le tout grand moment de la soirée fut, sans conteste, la performance de Benny Green en trio. Ce pianiste incroyable qui, rappelons-le, fut le premier « blanc » à jouer avec les Jazz Messengers d’Art Blakey ou encore avec Betty Carter, a livré une prestation éblouissante.
Du début à la fin, Benny Green apparut comme un magicien des touches blanches et noires; enchaînant les morceaux sans prendre le temps de les présenter.
Son incroyable technique, son énergie débordante, sa capacité de continuellement swinguer et son inventivité font de lui un Ovni que rien ne peut arrêter sauf quand lui décide de faire un tout petit break pour admirer ses merveilleux musiciens (David Wong à la contrebasse et Rodney Green à la batterie) qui présentent de solides solos très sobres.
Benny Green, trop rare chez nous et c’était donc une aubaine, est une machine de guerre spectaculaire qui se donne à fond en ne ménageant pas son instrument ou, au contraire, en le sublimant en jouant aussi tout en finesse comme lors d’un morceau en solo à faire pleurer le public.
Benny Green fut fascinant en présentant une musique intemporelle et en clôturant de bien belle manière cette très agréable soirée.
Le bulletin final de cette première nouvelle mouture du festival, même s’il s’agit d’un projet à évaluer sur plusieurs années, déterminera ce qu’il en est en termes de fréquentation mais aussi d’efficacité.
En tout cas, même si certaines choses sont à peaufiner, bonne continuation au festival!