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    Double exposition pour les 90 ans de Jacques Villeglé

    Au cœur du quartier très arpenté de Saint-Germain-des-Près, dans la rue de Seine aux façades ouvertes sur d’innombrables cimaises, c’est la fête. D’abord, parce qu’une nouvelle porte s’ouvre sur l’art. La galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois étire son ombre à quelques mètres de l’autre côté de la rue. Quoi de mieux pour ce duo de galeristes notoires que l’audace du binôme d’architectes Jakob + MacFarlane. Ces derniers, dont on reconnaît habituellement la signature par les formes organiques et détonnantes de leurs créations (Les Docks – Cité de la Mode et du Design, le restaurant Georges du Centre Pompidou…), déroulent ici des espaces fluides et longilignes. La nouvelle galerie semble avoir été sobrement moulée dans la petite cour de la galerie Vallois originelle, et encastrée à quelques mètres en face. La résonance de ces espaces crée un pont invisible au travers de la rue, un tunnel qui appelle et aspire. Liaison d’autant plus prenante et réussie avec la double exposition d’un artiste bien connu des galeristes Vallois, Jacques Villeglé.

    Car ce sont également les 90 ans de l’artiste quimpérois qui sont à l’honneur, un des pionniers du groupe des Nouveaux Réalistes dont la galerie Vallois s’est faite au fil des années partenaire et agent. Des œuvres inédites pour l’occasion, puisées pour une part dans le fond des archives personnelles de Jacques Villeglé.

    Dans la première galerie, le visage de l’artiste, multiplié et teinté, imprimé et encadré avec un fort accent Pop Art. Ou presque. Des crevasses chromatiques, on aperçoit des couches de papiers : les affiches, toutes les mêmes, lacérées, déchirées, empilées et recollées. C’est l’Opération Quimpéroise, œuvre qui recueille la participation troublante, voire inquiétante, d’anonymes de Quimper. Ces affiches, placardées dans toute la ville à l’occasion d’une exposition de l’artiste, exactement 10 ans auparavant, ont été soigneusement récupérées, en conservant les empreintes d’une colère, d’un ennui ou d’un plaisir vagabond. Une œuvre collective dont l’insistance des motifs et la mise en abîme du sujet résonnent comme un manifeste du Nouveau Réalisme.

    Il faut ensuite suivre des yeux les pochoirs qui mènent dans la nouvelle galerie aux airs de labyrinthe. L’œuvre de Jacques Villeglé et Raymond Hains, Pénélope, évoque autant les douces ondulations méditerranéennes que la figure mythologique. Comme les premières, ce sont des vagues de motifs, empruntés à Matisse, dont la mise en mouvement crée un film expérimental hypnotique. Comme la seconde qui tisse et détisse inlassablement son ouvrage, l’œuvre est inachevée.

    La galerie Vallois présente en définitive deux expositions résolument plurivoques et complémentaires. Pour l’occasion, un catalogue électrique et touchant regroupe, entre autre, les vœux de 40 personnalités amies de l’artiste nonagénaire. Le cadeau de Vallois à Villeglé qui, édité en 1000 exemplaires, oscille  entre témoignage et manifeste artistique.

    Samia Lorrain
    Samia Lorrain
    Journaliste du Suricate Magazine

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