Adaptation libre de Louis-Ferdinand Céline création de Damien de Dobbeleer avec Nicolas Buysse, Damien De Dobbeleer, Pierre Haezaert, Louise Manteau, Alexandre Tissot, Benoît Van Dorslaer
Du 12 avril au 23 avril 2016 à 20h30 aux Théâtre de la Vie
Ca a débuté comme ça. Par une musique noise, jouée par une silhouette d’homme à tête de cheval, dans une ambiance sombre et fumeuse. Et par des mots aussi. Une avalanche de termes aussi dépressifs qu’agressifs, criés plutôt que chantés. Puis les acteurs ont fait leur entrée en scène, furieux. De leur colère a surgi du Céline, sans crier gare, alors que le spectateur ne savait déjà plus à quel saint se vouer. Et voilà soudain que la première guerre mondiale gicle sur la scène du Théâtre de la vie : le Voyage a commencé.
L’esprit de Louis-Ferdinand est parmi nous, il n’y a pas de doute. Il n’y a qu’à voir la fougue des acteurs se déverse par flots continus pour s’en convaincre. Et chaque fois que le spectateur croit comprendre comment appréhender cet ovni théâtral, celui-ci se dérobe à nouveau à l’entendement. Car non, il ne s’agit pas d’une pièce narrative, mais plutôt d’un enchevêtrement de saynètes sans concession qui s’accumulent, tantôt criardes, tantôt poétiques ; tantôt turbulentes, tantôt contemplatives, dans un tout entrecoupé par quelques lectures de passages choisis du Voyage au bout de la Nuit, comme pour opérer un retour aux sources au milieu du délire.
En un peu plus d’une heure trente, la pièce revisite avec toutes les libertés du monde les quatre grandes facette du chef-d’oeuvre de Céline : la boucherie de 14-18, le racisme colonial, le rêve capitaliste américain et la misère franchouillarde. Tout ça, en veillant à systématiquement réactualiser les thèmes – un effort qu’il convient de souligner, bien qu’il implique à plusieurs reprises de briser le quatrième mur, au risque de ne pas plaire à tout le monde…
Les choix scéniques de Damien de Dobbeleer offrent un résultat résolument irrévérencieux et un rendu absolument sublime. La petite musique si chère à Céline vient de se muer en formidable cacophonie sous nos yeux. Les codes sont bousculés et c’est précisément ce dont a besoin toute adaptation de Céline sur les planches, car en son temps, Céline lui-même n’aimait-il pas bousculer les convenances ? Avec sa plume acérée et son style à fleur de peau, n’a-t-il pas pris un malin plaisir à malmener les lecteurs proustiens, de la même manière qu’aujourd’hui, L.F. Céline – Fragmentation 1 malmène le spectateur aux goûts trop conventionnels et à la sensibilité trop fragile ?