Kollektivet
de Thomas Vinterberg
Drame
Avec Ulrich Thomsen, Trine Dyrholm, Helene Reingaard Neumann
Sorti le 13 avril 2016
Lorsque Erik hérite de la grande maison de son enfance à la mort de son père, il décide, avec sa femme Anna et sa fille Freja, d’ouvrir la maison à une communauté composée d’amis et de personnes trouvées par petites annonces, pour adopter un mode de vie différent, collectiviste et participatif. Les choses se passent plus ou moins bien dans un premier temps – même s’il existe déjà, au sein du groupe, des dominants et des dominés – mais menacent d’exploser lorsque Erik révèle avoir une liaison avec une de ses élèves et entend intégrer celle-ci dans la communauté, devant une Anna totalement désorientée.
Avec ce film de groupe insidieux, qui commence dans un registre de comédie presque « feel-good » – enrobée par le climat rétro et la musique des années 70 – pour s’insinuer de plus en plus dans le drame psychologique, Thomas Vinterberg retrouve l’esprit de Festen – le film avec lequel il avait contribué à fonder le système Dogma – tout en en restant fort éloigné au niveau du style. Son cinéma s’est assagi et affadi avec les années, il s’est formellement embourgeoisé tout en essayant de conserver une dimension de critique sociétale de la culture nordique et un regard acéré sur les rapports humains.
Le gros problème de Vinterberg est qu’il se prend vraisemblablement pour un moraliste, mais n’a pas le recul nécessaire pour arriver à ses fins. Son écriture appuyé et la manière qu’il a de juger d’emblée ses personnages, de les condamner et de les classer, au choix, dans la catégorie des victimes, des manipulateurs ou des passifs, alourdissent immanquablement son propos – comme dans le pachydermique La Chasse, dans lequel le martyr Mads Mikkelsen était persécuté par sa communauté suite à de fausses accusations de pédophilie.
La communauté – dans son acceptation la plus large – est le grand thème de Vinterberg, et est effectivement un sujet passionnant, mais le regard misanthrope qu’il porte inconditionnellement sur ses personnages pris individuellement, ne peut que s’amplifier lorsque il les met en relations les uns avec les autres. Ce n’est pas tant la question politique de la gestion du pouvoir et des individualités au sein de la communauté qui l’intéresse, que d’observer les membres de celle-ci se faire mutuellement du tort, comme le bon petit entomologiste pervers qu’il est.
On a peu dit l’influence désastreuse qu’a pu avoir un film comme Festen sur le paysage global du cinéma d’auteur mondial, qui s’est laissé aller, comme son illustre modèle, à s’adonner au jeu de massacre et au film coup-de-poing hystérique, laissant très peu souvent exister ses personnages au-delà de leur fonction de pions sacrificiels. Plusieurs années plus tard, alors que tout le monde et n’importe qui s’est essayé à l’exercice du film misanthrope, Thomas Vinterberg semble revenir sur les lieux de son crime – en reprenant d’ailleurs deux des acteurs principaux de Festen, Ulrich Thomsen et Trine Dyrholm – pour se parodier lui-même et fermer une boucle assez sinistre.