Ce 18 mars sortait Skydogs, le troisième album de cet énergique quatuor de rock garage venu du Limbourg. En attendant le 15 avril que le groupe foule une nouvelle fois la scène de l’AB qui l’a révélé, on parle nouvel album, souvenirs mais aussi avenir avec Jan Straetemans (guitares/voix) et Cédric Maes (guitares).
Pour ce nouvel album, vous avez choisi de travailler avec le producteur Dave Cobb, basé à Nashville. Pourquoi ce choix ?
Jan : Dans une interview accordée au magazine Rolling Stone, Dave racontait qu’une de ses plus grandes influences était Jimmy Miller, producteur des Stones et de leur emblématique Exile on Main Street. Selon lui, le rôle du producteur n’est pas d’être assis à la console, derrière la vitre, mais d’être à l’intérieur du studio, avec le groupe, en jouant par exemple des percussions (tambourin, maracasses, hochet, etc.) pour instaurer un groove. Nous avons aimé cette vision, tout autant que le son qu’ont les albums qu’il a produit pour Shooter Jennings ou les Rival Sons. On lui a envoyé un email, et deux heures plus tard on avait une réponse enthousiaste de sa part.
Dave Cobb n’était pas seul aux commandes. Il était accompagné d’Eddie Spear, l’ingé son de Jack White et Seasick Steve notamment. Au final, lequel des deux a eu le plus d’influence sur le son garage, « rootsy » et authentique de cet album ?
Cédric : C’était nous six en fait : notre quatuor, Eddie et Dave ! On s’est rencontré une première fois à Berlin, on a été manger un bout et on a commencé à parler musique ensemble. C’était génial, tout le monde se disait avec le sourire : « Ah, t’aimes bien ça ? Moi aussi, c’est cool ! » C’était très facile de nous mettre d’accord sur le son. On a juste branché un ampli, pris une guitare, joué un de nos morceaux et ils ont dit : « P*tain ouais, j’adore, on le fait ». Ils n’ont pas réfléchi longtemps, ça venait du cœur.
Vous avez évoqué Berlin. Pourquoi avoir choisi cette ville pour enregistrer ? Elle a vu naître des albums mythiques, c’est certain, mais qui ne sont pas nécessairement réputés pour leur son dur, garage et bluesy…
Jan : C’est très juste ! En fait, comme nous avions fait notre second disque en Suède dans une zone industrielle isolée où il n’y avait rien à voir, on voulait cette fois-ci continuer à travailler dur pendant la journée, tout en ayant la possibilité sortir le soir. Faire un album fait partie intégrante de la vie donc vivons pleinement, mangeons bien, buvons bien et faisons de la bonne musique qui capte fidèlement l’expérience de ces deux belles semaines. Berlin est une ville magnifique pour sortir, et on s’est bien amusé… (Rires)
J’imagine que vous fantasmez aussi sur la possibilité de jouer et d’enregistrer un jour aux Etats-Unis…
Jan : On en a beaucoup parlé en fait parce que Dave est un type super, mais c’est aussi un vrai « américain » ! (Rires) Ce n’est pas que les américains se ressemblent tous, mais il est très fier de son pays natal. « Ah, vous devez venir en Amérique : on a telle bouffe là-bas, j’ai mon studio qui a le meilleur équipement,… » Il est maintenant à la tête du célèbre studio A de RCA, et il nous a dit : « votre prochain album, vous devriez venir le faire avec moi et Eddie aux Etats-Unis ». Evidemment, on adorerait enregistrer notre prochain avec lui à Nashville.
Petit retour en arrière maintenant : vous avez commencé dans votre Limbourg natal en 2009 dans des concerts de punk, de rock’n’roll, et aux côtés de groupes de hardcore même parfois… Mais votre premier coup d’éclat, c’était au Rock Rally organisé par le magazine Humo sur la scène de l’AB en mars 2010. Qui a eu l’idée a priori douteuse de vous y inscrire ?
Cédric : En fait, on a commencé The Sore Losers avec le batteur de mon groupe précédent, mais il s’intéressait de plus en plus à la musique électronique. Il voulait faire son truc de son côté, alors on lui a dit : « pas de problème, mec, on comprend ». Mais cet enc*lé venait d’envoyer une démo au Rock Rally ! (Rires) Il m’a appelé un jour et dit : « ah au fait, j’ai envoyé une démo au Rock Rally ». Je lui ai répondu : « oh non, mec ! », mais il a répliqué : « j’aime tellement cette musique, vous devriez y participer ». On peut le dire aujourd’hui : il a eu cette idée et Dieu merci !
Tout a été très vite par la suite : sept mois plus tard, vous sortiez votre premier album chez V2 (déjà), avec un premier single Beyond Repair qui affichait déjà un son garage très accrocheur. Qu’est-ce qui a changé depuis ? Quel regard posez-vous sur votre évolution ?
Jan : Notre musique va maintenant directement à l’essentiel, avec moins de doutes et d’interrogations sur ce à quoi notre son devrait ressembler. On a énormément d’influences musicales qu’on a aujourd’hui parfaitement digérées et ça, c’est grâce à l’influence de Dave. « Votre essence, votre son, votre groupe, c’est ça ! », nous a-t-il dit.
Entre votre premier et votre deuxième album, il s’est écoulé plus de trois ans. Qu’est-ce que vous avez fait pendant tout ce temps ?
Cédric : Rétrospectivement, c’était une décision juste d’attendre un peu pour pouvoir jouer un maximum. Au moment de la sortie du premier album, on était encore un jeune groupe qui n’avait pas joué des années et des années ensemble. Aujourd’hui, on est une machine ! (Rires) La preuve, il ne s’est écoulé qu’un an entre notre deuxième et notre troisième.
Vous avez joué trois fois au Pukkelpop (2010, 2011 et 2015), une fois à Werchter (2014). Le Pukkel’, c’est déjà énorme, mais Werchter, niveau rayonnement et réputation, c’est quand même le top en Belgique…
Jan : Tout à Werchter était super : beaucoup de gens, une très bonne atmosphère, etc. On donnait énormément de concerts à ce moment-là, notre jeu était carré et on a pu profiter de chaque seconde. C’est juste le plus gros festival en Belgique : il y a beaucoup de médias sur place, et c’est aussi une belle opportunité pour proposer sa musique à un public plus large.
Lorsque l’on regarde les chiffres depuis vos débuts, on constate que chaque nouvel album se classe mieux, et que chaque single fait de même. C’est une progression constante…
Jan : Si tu montes vite, tu chutes tout aussi vite. Nous, on grandit à notre propre rythme : on s’améliore, on emmagasine de l’expérience, on se construit.
Cédric : D’une certaine manière, c’est une chance de ne pas avoir eu un premier single numéro 1 avec lequel on aurait à se battre maintenant. On peut continuer à grandir et nos fans sont « fans du groupe », pas seulement « fans d’un hit-single ».