De Anja Hilling, mise en scène de Georges Lini, avec Laurent Capelluto, Itsik Elbaz, Serge Demoulin, Julien Lemonnier, Nargis Benamor, France Bastoen, François Delvoye
Du 15 mars au 30 avril 2016 à 20h30 au Théâtre Le Public
Ils sont six amis, trois couples et un bébé, à s’arrêter un soir d’été dans une clairière pour pique niquer et dormir à la belle étoile. Jennifer est l’ex femme de Paul, Miranda sa nouvelle compagne. Oskar et Martin sont en couple depuis trois ans et Flynn le chanteur énigmatique, est le nouvel amour de Jennifer. Ils se chamaillent, se cherchent, se lancent des répliques assassines et jouissives tout en déballant le barbecue, surveillant la cuisson de la viande, et répartissant les pommes de terre brûlantes. Le temps file, le soir tombe. On va coucher le bébé. Les premières étoiles apparaissent. Chacun se faufile dans son duvet. Flynn entame une chanson. Bientôt tout le monde dort.
Jusqu’à la catastrophe. La catastrophe c’est le feu. La braise qui rougeoie se change en feu sauvage, animal, imprévisible, impitoyable. Surprend les six compères dans leur sommeil. La lutte commence. Il s’agit de sauver sa peau. Le feu ravage les corps et les esprits. Les corps se cognent, s’agrippent ou se soutiennent. Les récits se dressent, invaincus, et rebondissent les uns contre les autres. Certains mots brillent plus longtemps sur l’écran au fond du plateau. La narration est haletante, parfois lyrique, mais toujours juste. Et servie par une interprétation remarquable.
Lorsque le feu s’est éteint, que les survivants reçoivent les premiers soins, l’enquête commence et les souffrances éclatent. Le feu a purifié certaines relations, comme il en a irrémédiablement abîmé d’autres.
Deux bonnes trouvailles règlent le sort théâtral des personnages secondaires : soit leur rôle est tenu par des comédiens principaux, comme dans la très belle scène de l’interrogatoire ou les interrogés campent aussi les interrogateurs et où pourtant le spectateur ne perd jamais le fil. Le récit est limpide. Soit ils interviennent dans une vidéo projetée au fond du plateau. Leurs répliques de ces derniers venus sont d’ailleurs truculentes et font mouche. Au milieu de la destruction et de la cruauté le rire surgit, joyeux et libérateur, la vie continue malgré la souffrance et la tristesse.
Tristesse, animal noir, au si joli nom, est un petit bijou à ne pas manquer.