Libre et assoupi
de Benjamin Guedj
Comédie
Avec Baptiste Lecaplain, Charlotte Le Bon, Félix Moati, Denis Podalydès, Isabelle Candelier
Sorti le 14 mai 2014
Critique :
« Travailler, je n’ai rien contre du moment qu’on ne m’y oblige pas ». Telle est la devise de Sébastien, presque trentenaire, qui s’accroche à son RSA (Revenu de Solidarité Active) comme d’autres se cramponnent à leur CDD. À l’heure où des tas de jeunes diplômés galèrent sur les routes impitoyables du marché du travail, ce contemplatif surdiplômé préfère prendre la tangente et s’offrir une petite parenthèse enchantée du fond de son canapé. Mais poussé par ses deux colocs qui enchainent stages et petits boulots, Sébastien va finir par s’activer un peu.
Le premier long-métrage de Benjamin Guedj est une adaptation du roman de Romain Monnery, Libre, seul et assoupi, sorti en 2010.
À la lisière de la comédie sentimentale et du conte philosophique, Libre et assoupi déjoue les pièges des comédies dites « à la française » tout en délivrant en filigrane des messages sur notre société : le rapport au travail, l’ostracisme subi par les gens inactifs, le maintien d’un revenu de base. Avec humour et légèreté, le film saisit au vol cette période de la vie où les jeunes n’ont souvent pas vraiment d’autres choix que de ramer ferme pour se maintenir à flot.
Sébastien, surnommé « l’autre » au lycée car beaucoup moins populaire que son camarade homonyme, va pourtant dévier des chemins du conformisme. Pas pressé d’en découdre avec le marché de l’emploi, il a pour seul viatique le désir de profiter de la vie. Son oisiveté et son manque d’ambition suscitent l’incompréhension de tous, sauf d’une personne : son conseiller Pôle Emploi ! Campé brillamment par Denis Podalydès, celui-ci offre toute sa sympathie à Sébastien et le soutient inconditionnellement dans ses démarches pour conserver le RSA.
Le film oscille entre humour potache (la fameuse première scène face caméra où Sébastien expose sa conception de la masturbation) et moments poétiques.
L’atmosphère de ce long-métrage n’est pas sans nous rappeler l’Auberge espagnole de Cédric Klapisch (la voix off du personnage principal, les joies de la coloc, le plan du métro). De même, la musique de Mathieu Lamboley nous fait penser, dans ses tonalités, à celle de Yann Tiersen dans Amélie Poulain.
L’antihéros est incarné par Baptiste Lecaplain. Un rôle à contre-emploi pour cet humoriste qui est plutôt hyperactif au quotidien. La Canadienne Charlotte Le Bon (Miss Météo sur Canal+) joue à merveille la colocataire speedée et enjouée. Félix Moati, quant à lui, en balourd de service complète joliment le trio.
Libre et assoupi n’est pas un film exempt de défauts – le scénario cède, çà et là, à certaines facilités (notamment à la fin) – mais il nous emporte dans son sillage, par sa naïveté et sa fraicheur, et nous file au passage une bonne réserve de punchlines.