auteur : Durian Sukegawa
édition : Albin Michel
sortie : février 2016
genre : roman
Doraharu est un petit établissement où l’on vend des dorayakis, ces petites pâtisseries japonaises fourrée de pâte de haricots rouge confits appelée « an ». Sentarô en est le gérant et ne se donne pas vraiment de mal pour tenir cette boutique. C’est un travail qu’il considère comme un emprisonnement, un endroit où il est forcé de travailler pour éponger les dettes qu’il avait contractées quelques années plus tôt. Un jour, il aperçoit une vieille femme qui l’observe sous le cerisier en fleurs qui fait face à son échoppe. Lorsqu’elle lui demande si l’annonce pour l’emploi affichée à l’entrée est toujours valable, Sentarô hésite mais fini par l’engager.
Tokue se met alors aux fourneaux et en deux temps trois mouvements, la clientèle afflue faisant même la file à l’extérieur de Doraharu. Malgré ses mains tordues et la paralysie faciale qui fige la moitié de son visage, elle connait tous les secrets de fabrication pour obtenir une délicieuse pâte « an ». Mais Tokue cache un lourd secret, elle vit dans un sanatorium, et bien que la lèpre ait été éradiquée et que les malades, tous guéris depuis longtemps, puissent enfin sortir, la discrimination existe toujours.
Lorsque l’information est éventée, la propriétaire de Doraharu force Sentarô à se défaire de Tokue. Le résultat ne se fait pas attendre, les ventes dégringolent. Sentarô ne veut pas que l’établissement ferme et contre toute attente, lui si imperméable, triste et renfermé, trouve dans la cuisine et la préparation des dorayakis une planche de salut et en Tokue, une véritable amie. Petit à petit, l’un et l’autre se dévoileront, laisseront tomber les barrières qui protègent leurs secrets et se donneront mutuellement un sens à leurs vies. Mais la marche du temps est inexorable, signe de la fin d’une époque : tout ce monde va s’écrouler. Pour mieux se reconstruire par la suite.
Les délices de Tokyo, sublimé à l’écran par la cinéaste Naomi Kawase, est un livre magnifique, une ode à la pâtisserie, à l’amitié et surtout à la vie. Cette vie qui est notre bien le plus précieux malgré son extrême fragilité. Dans un Japon encore réfractaire aux changements et toujours prisonnier de ses ancestrales traditions, c’est une admirable leçon d’humanité qui nous est contée dans un langage sobre et direct sans fioritures outrageuses. Seule la poésie des mots et des cerisiers en fleurs sont à retenir. Tellement émouvant qu’on en a versé quelques larmes.