Belgica
de Felix Van Groeningen
Comédie dramatique
Avec Tom Vermeir, Stef Aerts, Hélène De Vos
Sorti le 2 mars 2016
Non, le nouveau film de Felix Van Groeningen ne nous embarque pas dans une aventure en Antarctique, à bord du navire de l’explorateur belge Adrien De Gerlache. Avec Belgica, rien de polaire, bien au contraire. Dans le cinquième long-métrage du réalisateur flamand, il est plutôt question d’un lieu torride et incontournable de la vie nocturne gantoise. Un café-concert qui transpire le rock ‘n roll. Un antre de la débauche où tous les coups semblent permis.
Inspiré librement de l’histoire du Charlatan, café à Gand où Felix Van Groeningen a passé une grande partie de son enfance aux côtés de son père qui était à la barre du bar, Belgica relate le portrait de deux frères qui gèrent l’établissement et qui se font très vite une place dans le milieu de la nuit. Frank et Jo sont à des pôles opposés. L’aîné est noceur, aime caresser les excès de la fête. Le cadet, souffrant d’un handicap à l’œil, est plus modéré et en quête de sécurité. A eux deux, ils forment une belle paire mais vont se laisser aspirer par l’ivresse de la nuit et vont faillir, l’un comme l’autre, se perdre.
Dans son dernier long-métrage, Van Groeningen nous entraine loin des ballades country qui parcouraient le très beau mélodrame Alabama Monroe. Film aux accents très personnels, Belgica opère un retour à la fois acide et nostalgique sur une génération « rock attitude » qui s’est éteinte, qui a fini par abandonner ses idéaux face à une société de plus en plus sévère et sécuritaire. A l’image de l’évolution de la politique de l’établissement, partagée entre une réelle volonté d’ouverture à tous les publics et un besoin rassurant de sélection par l’entremise de portiers.
La force du film réside dans un savant mélange de plusieurs ingrédients. Puisé à la source de son histoire personnelle, le scénario de Van Groeningen réussit à capter avec naturel l’ambiance particulière d’un lieu de perdition même s’il force tout de même le trait à grands renforts de sexe, d’alcool et de rails de coke. L’euphorie nocturne, l’excitation de la vie débridée, le désir de liberté explosent à l’écran et nous transportent dans un monde mêlant défonces et délires. Porté par une très belle photographie et un montage nerveux, le film gagne également en puissance par le travail formel sur le son et l’image pour se rapprocher de l’effet des stupéfiants et de l’alcool. Terrain de jeu formidable pour les acteurs et figurants, Belgica n’a pas à rougir de son casting. Le musicien et comédien Tom Vermeir, surtout familier des planches, surprend en frère terrible dans un rôle qui devait être attribué au départ à Matthias Schoenaerts. Quant à Stef Aerts (Adem), il incarne avec justesse le frère qui respire la force tranquille.
Le scénario est linéaire, il s’est nourri d’une combinaison d’histoires. Contrairement à ses deux précédents films (La Merditude des choses et Alabama Monroe), Van Groeningen s’est refusé à jouer avec le temps, échappant aux flash-backs. Nerveuse, dense, l’histoire utilise à plein régime les rencontres et les différents dangers qui guettent les deux frères. Elle monte en tension en suivant de très près les rapports entre Jo et Frank.
Mais la véritable vedette du film est sans conteste la musique de Soulwax. La contribution des frères Stephen et David Dewaele est loin de passer inaperçue. Séduits par le projet, les célèbres 2ManyDJ’s ont signé non seulement la partition musicale mais ont aussi marqué de leur propre empreinte des groupes existants qui se produisent dans le film. Du blues à la techno, en passant par le punk hardcore et l’avant-garde, la bande-son de Belgica joue la carte de la diversité et assure tout bonnement son rôle à merveille. On se laisse très vite emporter par l’atmosphère du lieu tout comme on se laisse surprendre par le beau final qui dégage indéniablement une fragrance de mélancolie.