scénario et dessin : Fred Bernard
éditions : Casterman
sortie : 20 janvier 2016
genre : roman graphique
Avec ce nouvel ouvrage subtilement intitulé La Paresse du Panda, Fred Bernard joue la carte des valeurs sûres, puisqu’il nous revient avec des personnages déjà bien connus de ses lecteurs fidèles, dans un style qui n’a pas évolué d’un iota. Après tout à quoi bon changer, lorsqu’on a trouvé une recette qui plait à son lectorat ?
Reprécisons tout de même un peu l’intrigue, au moins pour les néophytes. Lily Love Peacock, une jeune fille aux tendances bobo bien ancrées, farfouille dans les souvenirs de famille et tombe sur les carnets de sa grand-mère, la fameuse aventurière Jeanne Picquigny. Alors, ni une ni deux, la curieuse se plonge dans les récits de voyage de son aïeule et leur redonne vie à travers ses yeux.
La Jeanne en question fut une sorte de chercheuse de trésors – comme l’avaient déjà prouvé les tomes précédents. Dans ce nouvel opus, elle mène une quête de l’immortalité en compagnie d’Eugène, son amant. L’auteur tente d’ajouter une pincée de suspens en faisant intervenir une poignée d’allemands illuminés qui la talonnent – sans qu’on sache vraiment pourquoi. Leur périple les emmène aux confins de la Chine et de l’Himalaya, cette partie du monde propice à vous plonger dans une ambiance vaporeuse et psychédélique. À tel point que, par moments, on en vient à se demander si Jeanne n’est pas en train de nager en plein délire… Cela donne d’ailleurs lieu à quelques passages davantage contemplatifs, emprunts d’une poésie assez authentique. Presque des répits pour le lecteur qui pourrait s’essouffler face à l’immensité de cette odyssée.
Car comme les précédents ouvrages de cet auteur, La paresse du Panda est une brique qui justifie pleinement l’appellation « roman graphique » que l’on donne à ce type de bandes dessinées. Plusieurs histoires, et donc plusieurs temporalités, s’y entremêlent puisque l’on a d’une part le quotidien de Lily la curieuse, que l’on peut situer dans les années 2000, et d’autre part les aventures de Jeanne, qui remontent aux années 20. Il en résulte par instants quelque chose d’un peu confus, voire de brouillon, qui ne parvient pas à nous transporter comme ce fut le cas dans les tomes précédents. Du coup pas question pour le lecteur de baisser sa garde une minute au risque de se retrouver complètement noyé au milieu des différentes péripéties qui surgissent dans tous les sens.
En somme, Fred Bernard nous est revenu avec une odyssée dans la continuité directe des précédentes, mais un cran en dessous de la qualité à laquelle il nous avait habitué. Le style graphique reste également fidèle à ce que l’on connaissait déjà : traits noirs sur fond blanc, un dessin très conventionnel, efficace sans pour autant émerveiller le lecteur par sa finesse ou sa beauté. Juste de quoi assurer la fonction de support à la trame narrative et voilà tout. On peut encore rajouter que le récit baigne dans une sorte de langueur sensuelle et que le féminisme assumé, sinon revendiqué, de l’auteur accapare une portion importante des réflexions des deux héroïnes.