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    Deadpool, super-héros subversif et réflexif

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    Deadpool

    de Tim Miller

    Action, comédie

    Avec Ryan Reynolds, Morena Baccarin, Ed Skrein, Gina Carano, T.J. Miller

    Sorti le 10 février 2016

    Dans la galaxie Marvel, Deadpool est un peu l’outsider, le marginal mal aimé et malpoli qui ne recule devant aucune vanne foireuse ni aucun acte politiquement incorrect. La transposition à l’écran d’un tel personnage hors-normes pouvait augurer d’une trahison au matériel d’origine et d’un résultat final consensuel, surtout de la part de la Fox qui a récemment fait des coupes drastiques dans la version des Quatre Fantastiques de Josh Trank. Heureusement, le studio et l’équipe du film – emmenée par le réalisateur Tim Miller et un Ryan Reynolds très investi – ont décidé de mener le projet à bien dans tout ce qu’il a de décalé et de subversif – à l’intérieur même du microcosme Marvel, s’entend bien.

    Le film démarre fort avec une ouverture d’anthologie, un générique « honnête » qui énumère le casting et les principales fonctions techniques en les qualifiant de façon très cynique : Ryan Reynolds y est qualifié de bellâtre élu « homme le plus sexy » tandis que les autres acteurs sont recensés comme « le méchant british », « l’ado boudeuse », « le comique de service », etc. Deadpool est ensuite construit de manière anti-linéaire, usant continuellement de flashbacks et de « flashs forward » pour dynamiser l’action, le tout servi par la voix-off taquine et outrancière de Reynolds, qui s’en donne à cœur-joie dans le catapultage d’insanités en tous genres.

    Lors de la première demi-heure du film, on se demande vraiment comment un film de super-héros produit par un grand studio peut en arriver à ce degré de délire cru et sans tabous. On se trouve effectivement plus du côté d’une « tarantinerie » que d’un blockbuster traditionnel. Il faut dire que le film s’est fait dès le départ avec un budget limité pour ce type de production et avec l’intention délibérée de le sortir en « Rated R » (équivalent approximatif du « enfants non-admis »). Le film a donc bien conscience de s’adresser à un public beaucoup plus restreint que l’audience démesurée des Avengers et compagnie. Et c’est ce qui lui permet des digressions rarement vues dans ce type d’univers – jamais ? – notamment la pleine conscience du personnage qu’il évolue dans un film de super-héros et sa manière de dénigrer la franchise X-men dont il est pourtant issu.

    Cette façon de discourir sur sa propre condition de sous-produit culturel – qui atteint des sommets lorsque Deadpool remarque qu’il ne croise que deux des X-Men, probablement parce que le budget n’était pas assez important pour en faire venir d’autres – ainsi que la manie persistante du « héros » à briser le quatrième mur et à s’adresser directement à la caméra font  accéder le film à une dimension supplémentaire de satire et de réflexion sur l’industrie du spectacle, inespérée dans un film d’action de cet acabit. Sans non plus atteindre le niveau d’une grand œuvre réflexive et subversive sur le commerce du super-héros, Deadpool est probablement l’un des seuls films autocritique sur le sujet, avec le Watchmen de Zack Snyder. Il est en cela une très bonne surprise, décomplexée et gentiment « trash », qui dénote et fait du bien dans le paysage global du blockbuster mercantile actuel.

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