scénario & dessin : Ben Gijsemans
éditions : Dargaud
sortie : 29 janviers 2016
genre : roman graphique
Dérivé des particules germaniques -hug et –bert, Hubert signifie littéralement « intelligence remarquable ». L’on serait donc en droit d’attendre du personnage qui a donné son prénom à cette BD un esprit vif, égayant les phylactères par des réparties spirituelles bien choisies, épatant le lecteur par ses capacités réflexives. Or, on ne saurait être plus loin de la réalité…
En effet, Hubert, plus justement renommé au cours du récit Mr Scrogneneu par une enfant (espèce dont on sait que la vérité est le monopole), est un vieux garçon au physique très ennuyeux dont les mains s’engoncent dans les poches comme il s’enfonce avec lenteur et lassitude dans une vie que seules peuplent ses habitudes.
Oubliez donc ici les frissons de l’aventure car, autant le dire d’entrée de jeu, vous ne trouverez pas le moindre mouvement excédant le pas de la marche. Et peut-être est-ce d’ailleurs dans ce tempo indéniablement lent que réside le charme de ce livre, qui, tout en dessins pastels, prend le temps d’entrer dans l’intimité d’un homme qui s’est retiré de la vie pour se réfugier dans l’art et y chercher la figure féminine idéale. Mais le monde peut-il se résumer aux quatre murs d’un appartement ou d’un musée ? Toutes les peintures et sculptures, aussi belles soient-elles, valent-elles qu’on dédaigne la vie et les gens ?
Sans bavardages, Gijsemans dresse un portrait d’une solitude qui finit par nous submerger, tant la répétition des mêmes images accentue le caractère routinier des activités d’Hubert. Pourtant, jamais l’ennui ne nous saisit à la lecture de cet album, un exploit sans nul doute dû aux ruptures de mise en page qui permettent d’aérer le récit.
A côté des jolies reproductions d’œuvres qui permettront au lecteur de (re)découvrir des tableaux des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, figurent également quelques planches présentant plusieurs prises de vues de Bruxelles. En noir et blanc, elles offrent un contraste saisissant de dynamisme avec le quotidien amorphe d’Hubert, ce qui nous fait comprendre un peu mieux le besoin de ce dernier d’échapper à un univers urbain représenté comme froid, bruyant et en constante transformation.
Pour les amateurs des Beaux-arts et les amoureux de Bruxelles, une très belle BD intimiste qui se regarde et se devine plus qu’elle ne se lit…