auteur : Joseph Isler et Simone Isler
éditions : La Martinière
date de sortie : janvier 2014
Lorsque la France et l’Angleterre déclarent la guerre à l’Allemagne, Joseph Isler est un jeune homme comme tous les autres. Croquant la vie à pleines dents, rêvant d’un bel avenir et draguant gentiment les demoiselles qui passent, ce jeune adolescent ne se doute pas qu’il va devenir l’un des grands oubliés de la Seconde Guerre mondiale. En compagnie de plus de 130.000 alsaciens et lorrains, il va combattre contre son gré aux côtés des allemands, engagé de force par une armée en besoin constant d’hommes. Ces oubliés de la guerre seront appelés les «Malgré-nous».
L’histoire de Joseph Isler nous est narrée via la plume de sa fille, Simone. Une histoire déjà ancienne mais qui résonne en nous tant elle nous est intrigante et surtout inconnue. De fait, les «Malgré-nous» ne nous ont jamais été présentés par un quelconque professeur d’histoire. Pourtant, des centaines de milliers de jeunes hommes français (mais aussi belges et luxembourgeois, ne l’oublions pas) partiront sur les fronts, en particulier russe, pour la simple et seule raison qu’ils parlent la langue allemande.
Ce contexte est très particulier en Alsace et en Lorraine puisque, en 14-18, de nombreuses personnes issues de ces régions combattirent aux côtés de l’empire allemand. Une évidence puisque celles-ci appartenaient à l’empire depuis la défaite française de 1871. Cependant, les cartes avaient changé depuis la Première Guerre mondiale. L’Alsace et la Lorraine étaient redevenues françaises et les jeunes garçons et filles étaient nés en France. Une ambiguité identitaire qui fût à la base d’un désastre humain.
Et pour cause, comme Joseph Isler le décrit tout au long des pages de son livre, lors de la capitulation française signée par Pétain, les lorrains et les alsaciens furent abandonnés à leur triste sort. Enrôlés de force dans l’armée allemande, souvent pour combattre sur le front russe très couteux en vies humaines, ces jeunes germanophones restent aux yeux des Allemands des étrangers, des Français parlant leur langue. Personne ne leur fait confiance. Un véritable chemin de croix qui aboutira à une boucherie.
Mais ce n’est pas tout. Alors que la guerre se terminent, les «Malgré-nous» seront pris par les Américains, les Russes et même certains Français pour des traitres. Nombreux seront ceux qui passeront des années atroces dans les camps russes ou yougoslaves. Peu en reviendront.
Bref, tout ce récit historique d’une richesse incroyable se découvre au fil des pages via le témoignage d’un homme, Joseph Isler. Même si l’écriture est simple, parfois succinctes, son histoire apporte une lumière utile à tous et à toutes. Alors que nous «fêtons» cette année le centenaire du début de la Première Guerre mondiale, il est aussi utile de se pencher sur des non-dits de la Seconde Guerre mondiale. De notre humble avis, il reste encore quelques témoins vivants de l’atrocité du conflit le plus meurtrier que la Terre ait connu. Profitons-en dès lors pour nous éclairer de leur savoir, de leurs récits, de leur vécu. Car, un peuple ayant valdingué d’un pays à un autre et se retrouvant mal assis entre deux axes qui s’opposent, cela nous renvoie irrémédiablement à la réalité actuelle.
Malgré-moi est un témoignage à prendre avec un regard avisé et objectif. Il a le grand mérite de nous parler d’un tabou qui est encore ancré dans de nombreux coeurs aujourd’hui.