Carol
de Todd Haynes
Drame, Romance
Avec Cate Blanchett, Rooney Mara, Kyle Chandler
Sorti le 13 janvier 2016
Avec le meilleur prix d’interprétation féminine accordée à Ronney Mara lors du festival de Cannes 2015, et un jeu aussi abasourdissant de la part d’une Cate Blanchett à fleur de peau, Carol s’annonce une vraie piste pour l’exaltation de la capacité du jeu d’acteurs. Sans tomber dans l’excès sémaphorique, le réalisateur du film maîtrise et assume l’évolution de son mélodrame.
Dans une New York des années 1950, Carol, une riche femme sophistiquée qui cherche un cadeau de Noël à sa fille, rencontre Thérèse, jeune vendeuse spontanée qui travaille dans un magasin. Les regards amorcent le contact, les gestes suivent, ainsi que les rencontres, pour transformer deux inconnues en deux amoureuses dans une relation flamboyante, mais malheureusement impossible.
À l’image de ses protagonistes, la première partie du film n’ose pas avouer l’amour et le tout passe par une suggestion on ne peut plus intense. Haynes mise sur la capacité de ses actrices à gérer l’impossibilité de l’amour au moyen du non-dit qui amplifie l’intensité du regard et du geste. La peur se dépasse, et l’amour dans toute son intensité se déclare, en ouvrant le deuxième volet du film. Construite subtilement et en toute vraisemblance, la relation entre les deux inconnues, désormais amantes, prend place et Carol nous transporte là où on ne s’attend pas. L’installation réussie des personnages féminins empêche les choix scénaristiques, aussi extrêmes qu’ils soient, de paraître imposés aux protagonistes au bénéfice de la nécessité narrative du récit.
La réalisation, qui d’un premier abord trompe le spectateur en semblant classique sans aucun parti pris excentrique, révèle en toute légèreté des choix qui élèvent le scénario à un autre niveau. Haynes concrétise l’impossibilité de l’amour entre les deux femmes, dans un temps qui condamnait la différence, en utilisant des obstacles physiques qu’il pose entre ses deux protagonistes. L’idée de l’obstacle s’étend plus loin pour séparer le spectateur des personnages : le réalisateur les filme à plusieurs reprises à travers des réflexions ou derrière des vitres. Le surcadrage (portes, chambres, miroirs, vitres, etc) ne crée pas seulement la distance, mais contribue à la matérialisation à l’image du sentiment de petitesse ou d’incapacité des deux femmes : elles occupent des places minimes dans la composition du cadre.
L’amour entre Carol et Thérèse est tellement intense qu’il dépasse le deuxième côté de l’écran et atteint les spectateurs qui sortent du film avec une de ces chaleurs humaines contagieuses, semblable à l’épanouissement ressenti par un jeune enfant à qui l’on avoue l’amour pour la première fois.