auteur : Erik Axl Sund
éditions : Actes Sud
sortie : octobre 2015
genre : thriller
Une avalanche de suicides d’adolescents déferle un peu partout en Suède. L’inspecteur Jens Hurtig, personnellement marqué pour ne s’être jamais remis de la pendaison de sa propre sœur, est chargé de l’affaire. Il découvre que ces jeunes gens ont tous mis fin à leurs jours en écoutant une musique chaque fois personnalisée, composée par un artiste underground, Hunger. La recherche de ce dernier que les jeunes idolâtrent au point d’accepter la mort mise en scène dans des circonstances on ne peut plus violentes sera le point de départ de l’enquête. Jens Hurtig découvre un univers morose d’adolescents désabusés et fascinés par la mort. Dans un même temps, des meurtres d’une rare atrocité font rage dans les environs et tout porte à croire que la vague de suicides et ces assassinats sont liés. L’inspecteur devra trouver le moyen de mettre un point final à ces massacres sans se laisser emporter par ses propres démons…
S’il fallait choisir un fond musical pour dépeindre l’atmosphère de ce livre ce serait sans conteste « Désenchantée » de la joviale Mylène. Car ici tout est chaos ! Quelle tristesse que ces jeunes gens persuadés que leur vie n’est qu’un ramassis de fonds de poubelles pour déchets organiques. On aurait envie de leur faire un gros poutou, de leur dire que tout va s’arranger et que le monde n’est pas si moche mais ils sont tellement atteints par cette mélancolie ravageuse qu’ils pourraient nous contaminer et que nous finirions tous dans la benne à ordures. A un âge où l’on est influençable et à fleur de peau, tout est possible, même le plus ignoble. Hunger l’a bien compris et son message de mort est diablement efficace car ses victimes consentantes finissent toutes sur les tables de la morgue.
Les corps de verre est donc un roman sombre à plusieurs niveaux. Personne n’est bien, ni dans son corps ni dans sa tête. Les descriptions de suicides minutieusement préparés ou encore de veines piquées, de scarifications ou de viols, c’est une chose. Mais l’aspect psychologique n’est pas en reste. Le profond tourment des personnages est palpable, qu’ils soient jeunes ou moins jeunes. Car les adultes possèdent eux aussi leur part d’ombre et au fur et à mesure que l’on avance dans l’histoire, on découvre leur passé lourd à porter qui les laisse emprunts de doutes, de craintes et de souffrance. Ils n’offrent donc pas vraiment de perspectives positives à ces jeunes pour qui la joie de vivre n’est plus au rendez-vous depuis un bon moment. Quand vous refermez le livre, prévoyez donc une dose du best of d’Annie Cordy pour faire la transition et revenir à la vie réelle d’un joyeux niveau d’alerte 3.
Malgré une première partie qui peine à se mettre en route, la suite se révèle de plus en plus excitante et stressante. Le lecteur est malmené et retourné dans tous les sens, il ne sait plus à qui ou à quoi il peut se fier. Et c’est horriblement addictif. Il fallait bien quatre mains pour mettre les gens dans un tel état. Car sous le pseudonyme de Erik Axl Sund se cachent deux Suédois : Jerker Eriksson et Håkan Axlander Sundquist. La symbiose entre l’ancien bibliothécaire carcéral et producteur d’un groupe d’électro-punk pour le premier (ces bibliothécaires nous étonneront toujours) et l’artiste et musicien pour le second s’avère productive car Les corps de verre est le premier volet indépendant d’une trilogie basée sur… la mélancolie bien sûr ! Il ne nous reste qu’à souhaiter à ce duo explosif encore plein d’idées pessimistes, douloureuses et torturées pour continuer la série afin de satisfaire notre plaisir de lecteurs masochistes.
Sur ce : « Joyeux Hunger Games » !