Emmanuel Baily & Guests ‘Night Storks’
Vendredi 20 novembre 2015 à 20h30 à l’Espace Senghor
Night Storks, c’est le nom du concert donné par Emmanuel Baily et ses invités au Centre Culturel d’Etterbeek le vendredi 20 novembre. Night Stork, c’est le nom de l’album sorti par Emmanuel Baily et ses musiciens chez igloo records le vendredi 6 novembre. Entre le 6 et le 20 novembre, « Stork » a pris un « s ». En 14 jours, les cigognes se sont multipliées. Mais que signifie vraiment ce ‘s’ pour celui qui écoute Baily en concert ce soir et celui qui découvrait son album deux semaines plus tôt ?
20h34, cinq musiciens entrent sur la scène du Senghor : Emmanuel Baily à la guitare, Lambert Colson au cornet à bouquin, Jean-françois Foliez à la clarinette, Khaled Aljaramani au oud et Xavier Rogé à la batterie. Ce sont les cinq musiciens que l’on retrouve à l’arrière de la couverture de l’album, pas une cigogne de plus. Sans un mot, Baily entame une mélodie très douce à la guitare. Les vents le rejoignent. Tout est très sage. Mais les percussions grondent au loin. Elles se rapprochent puis se taisent, se rapprochent puis se taisent, se rapprochent puis… c’est le oud qui s’en mêle, colorant le morceau d’accords orientaux. Le percussionniste lâche les baguettes et opte pour le frappé à la main, on entend comme des relents de percussions africaines. Et sans que l’on sente une rupture, on en revient au son d’un jazz plus classique, le balayement régulier des cymbales reprend. Et de nouveau, quelques notes venues d’orient, le voyage annoncé sur le papier nous emmène déjà loin.
Ce voyage continue tout au loin de la soirée, parfois sous la forme de réarrangements de standards, parfois sous la forme de reprises populaires, parfois sous la forme de créations originales. Régulièrement, Baily interrompt le flux pour annoncer le titre des compositions, et l’histoire qui les a inspirées. De quoi nous mettre des images plein la tête durant l’écoute. Ces images ne sont jamais fixes, tout bouge très vite. On regrette parfois qu’aucun « moment » musical ne s’installe véritablement. Quelque chose se met en route, nous emporte, et abandonne trop vite, nous avec. Peu importe, on oublie et on prend un autre vol. La musique décrit les paysages à elle seule, le chant se fait rare mais remarqué (Baily fredonnant les derniers vers des Feuilles Mortes d’Yves Montant ou entonnant quelques couplets de Thom York – où on reconnait très fort, peut-être trop, la voix du chanteur anglais ; Aljaramani se lançant dans un chant traditionnel « facile et difficile à la fois », selon le mot arabe). Les nappes sonores forment des vagues qui déferlent et se recouvrent les unes les autres. La guitare de Baily emplit la salle (lorsqu’il reçoit une « lettre de la maison »). Ses notes se détachent distinctement et en en même temps s’enchainent sans rupture. On a l’impression de gouttes tombées sur la surface de l’eau : chaque son produit des alvéoles, que le son suivant rencontre quand il est lancé à son tour. ‘Night Storks’ donne à entendre et à voir ces résonances.
Le concert se termine, nous ramenant au 366 chaussée de Wavre. Sur le « s », toujours pas d’explication. Le concert respecte l’album à la lettre (ou pas justement), jusqu’au défilement des morceaux qui sont lancés dans l’ordre exact. Pour autant, on ajouterait bien ce ‘s’ sur la pochette du cd, pour insister un peu sur les quelques paires d’ailes qu’il a fallu à Baily pour ramener toutes ses influences sur les neuf pistes de son album.
Photo: © ChristianDeblanc