Un spectacle de Gazon-Nève et Cie basé sur un texte de Jessica Gazon, d’après une idée originale de Thibaut Nève, avec Jessica Gazon, Stéphane Pirard, Maurice Sévenant, Laurence Warin
Du 10 au 14 novembre 2015 à 20h au Théâtre de la Vie
« Ce choix autobiographique n’en est pas réellement un : de toute façon, je n’ai pas d’autre issue. Si je n’écris pas ce que j’ai vu, je souffrirai autant – et peut-être un peu plus. Un peu seulement, j’y insiste. L’écriture ne soulage guère. Elle retrace, elle délimite. »
(Michel Houellebecq, Extension du domaine de la lutte)
Sur ces paroles qui servent d’accroche au spectateur s’ouvre la pièce de Gazon-Nève (fondé par Jessica Gazon et Thibaut Nève), résumant avec élégance le propos cathartique qu’elle vise. Assis au coin du plateau, un narrateur (Maurice Sévenant), auquel une jeune fille (Jessica Gazon) vient donner son journal intime, commence à lire sa vie, un combat perpétuel avec la maladie.
Synovie débute par le mouvement. Une jeune fille de quinze ans s’amuse avec sa mère en imitant ses pas, riant de plein cœur. Ce mouvement s’efface quelques minutes plus tard avec la rentrée progressive dans l’inertie de l’adolescente, atteinte d’une maladie mystérieuse qui commence à l’empêcher de parler et finit par paralyser sa capacité motrice.
Défilent alors les différents personnages visités pour essayer de définir cette maladie, interprétés tous par deux acteurs (Stéphane Pilard et Laurence Warin qui joue aussi le rôle de la mère) avec un jeu illustratif qui suit le récit narrateur. Le « Je » se multiplie, transformant alors la vérité en fiction. Cet incessant aller-retour entre l’autobiographie et la fiction amplifie l’empathie du spectateur à l’expression de la souffrance.
Dans ce décor simple qui sert multiples fonctions, les acteurs occupent l’espace en toute sa profondeur. Alors qu’en premier plan se déroule une action, les autres acteurs restent parfois immobiles en arrière plan. Avec ces choix de mise en scène, Gazon concrétise le principe de l’inertie qu’elle pousse encore plus loin.
Autre que l’effet comique, cette méthode de jeu de « pantins » décompose le mouvement des acteurs et rend leurs paroles inaudibles : un rappel intelligent de la situation dans laquelle sombre la jeune adolescente. Dans un but narratif, cette dernière sort de son inertie morbide à plusieurs reprises : elle reprend alors en toute énergie pour quelques secondes la narration qu’elle avait déléguée au vieil homme, avant de retomber dans son état mourant. Le comique de jeu n’empêche pas l’exploitation de la gravité de la situation : une belle combinaison, pourtant pas évidente, parfaitement réussie dans Synovie.
Avec ses choix de matérialisation du principe de l’inertie, son intéressant mélange du sérieux et du comique, et un potentiel dramatique de jeu continuellement renouvelable, Synovie touche le spectateur et le pousse à la réflexion. Une belle ode à la vie, au combat quotidien de chaque malade qui ne désire que sortir de son état de faiblesse, et surtout à la mort qui vient nous visiter et avec laquelle il faut cohabiter pour survivre.