De Jacqueline Harpman, mise en scène de Sylvie Steppé, scénographie spatiale et sonore, lumières et régie de Nicolas Marchant, avec Emilie Guillaume
Du 23 septembre au 31 octobre 2015 à 20h15 au Théâtre de la Place des Martyrs
A la veille de son exécution, Jeanne d’Arc, cette grande menteuse qui fit croire à tous que les saints lui dictaient sa voie, se confesse à un enfant qui ne peut la comprendre. Dans le confinement de sa cellule, elle donne à son corps de l’élan, et l’énergie de combattre encore une fois les anglais et ce dauphin qui rage de la voir lui rendre son trône.
Parce que les hommes sont faux et que les femmes n’existent pas, Jeanne ne décolère pas. Elle frappe le vide en sachant qu’elle ne vaincra pas, que son geste est vain. Pourtant elle frappe et son corps se fatigue mais reprend des forces dans ce combat perdu d’avance.
Porté par une comédienne hors du commun, Emilie Guillaume, qui s’est formée au Cirque de Pekin, le merveilleux texte d’Harpman atteint son objectif: faire d’une force brute une danse à la fois puissante, drôle et émouvante. Et dans les cris qu’elle adresse au ciel, ce sont autant de blessures et de hargnes qui montent en nous, nous qui l’accompagnons l’espace d’une heure et demie.
Là où Jeanne d’Arc au troisième degré réussit un véritable exploit, c’est dans la précision et la justesse de l’adaptation. Et si la voix, le corps et l’énergie d’Emilie Guillaume sont incroyables, la véritable prouesse est d’avoir su si intelligemment mettre en scène tous ces éléments sans que la pièce ne semble superflue par rapport au texte. Rien ne dépasse (contrairement à sa comédienne), rien n’est de trop et tout converge dans la création d’un objet nouveau qui n’est plus tout à fait le texte mais qui en devient un vecteur, un miroir grossissant.
Dans une mise en scène qui laisse toute la place au corps survolté de la comédienne, Jeanne d’Arc au troisième degré prouve qu’aux Martyrs, de grandes choses arrivent même dans la petite salle. Et qu’un public peu nombreux peut applaudir plus fort et avec plus de coeur qu’un parterre bien rempli.