Mon Roi
de Maïwenn
Drame, Romance
Avec Vincent Cassel, Emmanuelle Bercot, Louis Garrel
Sorti le 21 octobre 2015
Il y a quatre ans, Polisse avait beaucoup fait parler de lui lors de sa présentation à Cannes ou il avait emballé le jury, qui lui avait remis son Prix spécial, et divisé – un peu – la critique. Il était donc inévitable que le film suivant de Maïwenn soit à son tour sélectionné, quitte à décevoir les attentes de ses aficionados et achever de convaincre ses détracteurs de la pauvreté de son cinéma.
Mon Roi suit la passion dévorante qui lie Tony, jeune avocate en devenir, à Georgio, restaurateur fantasque et incontrôlable. Alors que la première est admise dans un centre de rééducation après une spectaculaire chute en ski, elle se remémore sa relation avec cet homme qui l’a manipulée et enfermée dans une espèce de prison mentale durant plusieurs années. La remise en forme physique va donc pour elle s’accompagner d’une prise de conscience et d’une acceptation de son passé amoureux.
Inutile de dire, après un tel résumé, que le scénario et la construction du film reposent sur un psychologisme basique d’une lourdeur et d’une naïveté sans pareil. On entre d’ailleurs directement dans le vif du sujet, avec une scène hallucinante de bêtise, dans laquelle la psychologue du centre de réhabilitation fait remarquer à Tony que si elle s’est cassé le genou en chutant, c’est parce que l’on prononce « je-nous » et que ça dit quelque chose de sa relation aux autres. Démarrer un film de la sorte, dans la psychologie de comptoir la plus primaire, c’est un peu se tirer une balle dans le pied.
Et si Maïwenn parvient presque à faire oublier cette faute de goût dans la demi-heure qui suit – la rencontre et la présentation du personnage de Georgio, joué par Vincent Cassel, sont plutôt bien négociées – ce n’est que pour se vautrer de plus belle dans ses travers les plus crasses. Car à partir du moment où il est bien signifié au spectateur que le personnage masculin n’est qu’un manipulateur égocentrique, la réalisatrice n’a plus qu’une seule visée : filmer la descente aux enfers de son héroïne, et la regarder souffrir avec beaucoup de complaisance.
La suite n’est qu’un déluge de scènes « règlements de comptes », de compétitions à qui criera le plus fort, à qui pleurera le plus longtemps, etc. Depuis son premier film (Pardonnez-moi, en 2006), on a bien compris que Maïwenn veut refaire Festen, mais c’est surtout Confessions intimes qu’elle parvient à recréer ici. Devant une telle hystérie collective, on se demande franchement comment des rôles comme ceux-là parviennent encore à valoir des prix d’interprétation à leurs acteurs – Emmanuelle Bercot, meilleur actrice à Cannes. À côté de la démonstration éructante de Bercot, le jeu frimeur et narcissique de Vincent Cassel passe presque pour de la sobriété. Mais s’il y a un seul acteur qui sort réellement son épingle du jeu, il s’agit bien de Louis Garrel, drôle et touchant en frère démuni devant la souffrance de sa sœur. S’il fallait absolument pointer une qualité dans ce film très antipathique, ce serait sans hésitation sa prestation.
Lorsqu’il arrive au bout de la vision de Mon roi, le spectateur est lessivé, à bout de forces. Et c’est bien le but de la réalisatrice : malmener son spectateur et le manipuler. Au fond, elle le traite exactement de la même manière qu’elle traite son personnage : comme une marionnette que l’on peut brusquer et violenter impunément, avec comme alibi le choc thérapeutique, l’exorcisme des sentiments. Cette méthode douteuse ne sert en réalité qu’à dissimuler la vacuité de son propos et le fond élitiste et bobo de son cinéma, peuplés de personnages issus d’une classe sociale plus qu’aisée et dont le cocon très fermé permet de se créer des problèmes qui n’existent qu’au dessus d’un certain taux de revenus.