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    Much Loved, dénonçons les interdits

    much loved poster

    Much Loved

    de Nabil Ayouch

    Drame

    Avec Loubna Abidar, Asmaa Lazrak, Halima Karaouane

    Sorti le 14 octobre 2015

    Much Loved – littéralement « la beauté qui est en toi » de son titre original « Zin li fil » – a rassemblé plus de 15 000 spectateurs le premier jour de sa sortie en France. Le film a déjà été interdit au Maroc suite à sa première projection pour la quinzaine des réalisateurs à Cannes, pour cause « d’outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l’image du Maroc”.

    Prostitution, drogue et religion, tout était réuni pour que le dernier film de Nabil Ayouch fasse du bruit mais le mélange, une fois de plus, est savamment dosé. La thématique de la prostitution a toujours été présente dans le cinéma du réalisateur mais dans Much Loved, il résulte d’une véritable anthropologie sur près d’un an et demi auprès de 200 à 300 prostituées marocaines.

    Nabil Ayouch peint le portrait de quatre femmes : Noha Randa, Soukaina et Hilma ; quatre de ces « amazones des temps modernes » – pour reprendre les termes du réalisateur – évoluant dans une société qui, tout en les humiliant, a besoin d’elles. La violence est là, partout ; plus latente que frontale malgré les coups et les viols, envahissante presque suffocante.

    Moment intérieur exposé par un regard extérieur, libre et prisonnier à la fois, on est sans cesse en conflit entre leur intériorité et l’image que ces femmes renvoient à la société. Dans leurs maisons, ces prostitués redeviennent les filles qu’elles sont (encore) : pyjama rose, chamailleries, rêves et câlins mais à cela s’opposent tous les espaces extérieurs dans lesquels elles redeviennent objet, simple fantasme. La dualité se fait autant dans les images que dans le rythme de celle-ci. Nabil Ayouch avait déjà travaillé avec Damien Keyeux sur le montage de Les chevaux de dieu et le résultat était déjà là ; Ici, il nous porte avec les filles.

    La chronique ne s’épuise jamais et reprend même du rythme avec l’arrivée de la quatrième fille, en fin de parcours. Le récit sort alors de l’anecdotique pour se résoudre aux lois de cause à effet. Mais Hilma amène aussi une nouvelle réalité de la prostitution marocaine, plus brute, avec un rapport plus direct et basique aux hommes et au sexe.

    La musique, confiée à Mike Kourtzer, avec qui il avait également travaillé sur Les chevaux de dieu, se  confronte au montage et témoigne de la distance de ces quatre prostituées face à leurs vies et semble aller de pair avec l’état de dépossession dans lequel sont finalement ces femmes. Lorsque le téléphone sonne, Noha entre dans la peau de son personnage en l’espace d’un soupir mais face à sa mère, à sa réalité, on la sent hésitante, toute en retenue, presque maladroite. Lorsque Soukaina traverse la ville avec Saïd en taxi, elle est comme une étrangère, totalement déconnectée de cette ville à laquelle elle appartient pourtant.

    Much Loved est un de ces films ponctués d’humour, source d’espoir par sa volonté de montrer ce qui nous plonge dans un climat de détresse humaine.

    Audrey Lenchantin
    Audrey Lenchantin
    Journaliste du Suricate Magazine

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