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    Une Enfance : Une ville, un homme, une saison

    une enfance poster

    Une Enfance

    de Philippe Claudel

    Drame

    Avec Alexi Mathieu, Angelica Sarre, Pierre Deladonchamps

    Sorti le 7 octobre 2015

    Pour son quatrième film, Philipe Claudel, produit par Margaret Menegoz, se lance, toujours sur fond tragique, dans le challenge de faire du cinéma sur et avec des enfants. Le film se déroule à Dombasle, une cité industrielle en banlieue de Nancy, aux allures nordiques, d’où est originaire le réalisateur. S’il se détache lui-même, de tous liens autobiographiques avec le scénario, la mémoire des lieux, elle, est bien présente, presque pesante.

    Une enfance ce n’est peut être pas une histoire mais plutôt un portrait éclaté ; celui d’une ville et celui de Jimmy, « un garçon qui grandit trop vite » ; Jimmy en même temps frère, père, mais presque plus fils. Une enfance nous plonge, le temps d’un été, face à la dérive de Jimmy 13 ans, qui, le temps d’un long métrage ou d’une saison, se verra propulsé d’enfant à adulte. Entre classique et cliché, les scènes filmées de l’enfance maltraitée se suivent (vol au supermarché, recueillement d’un animal abandonné, anniversaire de la camarade de classe plus riche, brève et décevante apparition du père) mais finalement ne se ressemblent pas grâce à Alexi Mathieu qui, pour son premier film (Philipe Claudel a fait le choix de prendre des acteurs locaux aux CV vierges), offre une prestation assez remarquable.

    À travers tout le film, des ponts s’établissent avec Rosetta des frères Dardenne. D’abord dans le scénario : une mère absente et dépravée, une enfance bafouée, un terrain hostile et rupestre mais aussi au travers toute la réalisation, que ce soit dans le montage ou dans la manière de filmer : caméras à l’épaule, gros plans qui signalent l’intériorité. Et puis il y a cette haine, cette rage, toujours croissante, qui piége autant Jimmy que Rosetta, comme des lions en cage. Jimmy c’est une Rosetta d’un autre temps, une Rosetta d’un autre fléau social, celui de l’enfant maltraité.

    Et puis aux antipodes, ou sur la route, Kévin, le petit frère de Jimmy, interprété par Jules Gauzelin. Plus jeune, à la fois touchant et attachant, figure de l’enfance ; il oblige Jimmy a prendre des responsabilités, à s’ordonner, se  responsabiliser et surtout à donner de l’amour. Il est sa bouée de sauvetage parce que le rôle est réciproque, presque équivoque: si Kévin ne peut pas vivre sans Jimmy, Jimmy ne survit que pour / grâce à Kévin. Le film peut d’ailleurs se scinder en deux : l’enfance de Jimmy prend un tournant relativement décisif, lorsque Kévin part en vacances laissant Jimmy à sa solitude et ses déambulations urbaines.

    Alors  bien sûr, il y a des images plus attendues, Jimmy passant devant une femme et un bébé, mais il y en a d’autres plus étonnantes, lui face à ce pêcheur séparé par le canal. Une enfance, c’est presque un huis clos, avec peu de mots mais beaucoup de sentiments, qui dresse le portrait fragmentaire d’un garçon, Jimmy. Jimmy « qui ne rêve jamais » mais qui, finalement, au gré de ses déambulations urbaines, ne se laisse vivre que pour rêver.

    Audrey Lenchantin
    Audrey Lenchantin
    Journaliste du Suricate Magazine

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