De Sophocle, Mise en scène et scénographie de Daniel Scahaise, avec Maxime Anselin, Barbara Borguet, Isabelle De Beir, Jaoued Deggouj, Daniel Dejean, Dolorès Delahaut, Angelo Dello Spedale Catalano, Christophe Destexhe, Laurine Dombret, Nadège du Bled, Bernard Gahide, Stéphane Ledune, Bernard Marbaix, Denise Meyskens, Hélène Theunissen, Laurent Tisseyre, Emma Van Wetter, Gérard Vivane
Du 18 septembre au 31 octobre 2015 à 20h15 au Théâtre de la Place des Martyrs
C’est un vieil ami qu’on retrouve pour cette ouverture de saison au Théâtre des Martyrs. Pas étonnant, pour le célèbre théâtre du centre-ville de proposer un classique en entrée. Le théâtre en effet a souvent aimé jouer le jeu de la modernité en ce qui concerne les fondements du théâtre mondial. Et cette fois, c’est Sophocle qui s’y colle.
L’histoire, on la connaît : Œdipe, voyant son royaume succomber sous le courroux des dieux, décide de pourchasser le meurtrier de Laïos, ancien tyran de la cité et défunt époux de sa femme Jocaste pour finalement se rendre compte que le meurtrier qu’il doit chasser de ses terres n’est autre que lui-même. Persuadé d’avoir fui l’oracle qui lui avait prédit qu’il tuerait son père et épouserait sa mère, il a accompli son destin dans l’ironie la plus complète et finira par se crever les yeux.
S’il est une famille dont le destin appelle le grandiose et le tragique c’est bien la famille d’Œdipe. Antigone, sa fille, en paiera d’ailleurs le prix à son tour. Le personnage d’Œdipe est celui d’un homme puissant capturé dans une chute d’autant plus impressionnante qu’Oedipe était grand. En transgressant les pires tabous de la Grèce antique, il scelle son destin dans une chute implacable qui se cristallise dans son geste dramatique de se crever les yeux pour ne plus avoir à contempler l’horreur qu’il a causée.
Porté par une mise en scène qui joue sur la fracture classique/contemporain, déployant un avant-scène rocailleux où trône un olivier contre un écran semi-transparent qui laisse apparaître le cœur à contre-jour de projections qui tirent vers l’abstrait, Œdipe tyran n’affirme pas un parti-pris clair. Néanmoins, cette fracture crée une belle dynamique et assume clairement le classicisme du texte tout en refusant de le soumettre complètement à une poussiéreuse mise en scène, ce qui nous vaut dans Oedipe tyran de très beaux moments de théâtre. De la même manière, les costumes semblent créer un pont un peu bancal entre deux temps.
Malheureusement, le comédien interprétant Œdipe ne parvient pas à élever le personnage à hauteur du texte : il joue trop linéairement et avec peu de nuances un personnage qui est tout entier fait d’une passion enfermée qui finit par éclatter dans un geste atroce.
Oedipe manque de chaleur et de conviction que pour assumer ce geste et causer la catharsis. Engoncé dans un costume qui le gêne, il ne parvient pas à faire oublier qu’il est un comédien. Le reste de la distribution joue le jeu de manière convaincante, mais ce problème ne se fait pas oublier tant Œdipe est la clé de voûte de la pièce.
Cet unique véritable problème, celui du comédien, pèse malheureusement très lourd sur la pièce et vient ternir la pièce. La vie qu’il n’insuffle pas à Oedipe, ce personnage des plus compliqués à interpréter, fait qu’on peine à croire que cet Œdipe-là se soit crevé les yeux.